L’aventure africaine de Scipion Capital

Spécialisé dans le financement des matières premières, Scipion Capital profite de la désertion des banques pour prospérer.

Nicolas Clavel a fondé la société en 2007. © Scipion

Nicolas Clavel a fondé la société en 2007. © Scipion

Publié le 20 mai 2014 Lecture : 3 minutes.

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Finance : le modèle panafricain est-il en panne ?

À la mode dans les années 2000, l’implantation continentale est jugée par certains peu rentable, trop coûteuse et inefficace… Place aux banques régionales !

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Installés au coeur de Londres, les bureaux de Scipion Capital pourraient ressembler à ceux de n’importe quelle « boutique ». Mais un détail retient l’attention dans l’open space. D’étonnantes photos ornent les murs : camions embourbés dans la jungle du Liberia, minerais à l’état brut en Zambie, fonderie de cuivre au Katanga… Prises lors des missions de Nicolas Clavel, le Suisse qui a créé en 2007 la société Scipion – laquelle gère un hedge fund enregistré aux îles Caïman -, elles rappellent la finalité de leur métier à la quinzaine de professionnels assis derrière leurs ordinateurs : financer des transactions commerciales à l’import ou à l’export, avec l’Afrique pour zone d’intervention exclusive – ce qui nécessite de se rendre souvent sur place pour valider les projets.

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Peu connue, cette activité est un rouage essentiel du commerce africain. Avec le durcissement des règles encadrant les risques financiers (accords de Bâle II), les banques internationales s’en sont pour la plupart retirées. Nicolas Clavel en a profité pour se lancer, après avoir notamment dirigé Standard Bank en RD Congo et Citibank à Dakar. Un parcours que ce quinquagénaire à la présentation impeccable met aujourd’hui à profit, car ce sont souvent d’ex-confrères du secteur bancaire qui recommandent Scipion à leurs clients.

Les transactions financées sont comprises entre 1,5 million et 10 millions d’euros pour des durées allant en général de quarante-cinq à quatre-vingt-dix jours. Il s’agit de combler le décalage entre le moment où le négociant achète la matière première, par exemple du cuivre au Katanga, et le moment où il la vend, à une fonderie chinoise par exemple. Le fonds propose des taux qui tournent autour de 10 %, ce qui lui permet d’être compétitif dans la plupart des pays africains, à l’exception de quelques marchés comme la Côte d’Ivoire.

Coltan

Pour durer, Scipion s’astreint à la plus grande prudence. Ainsi, la société se tient informée en permanence de l’évolution des transactions bannies par l’Union européenne, les États-Unis ou l’ONU. Lindsey Clavel dirige le département conformité et vient par exemple de refuser d’accéder à une demande de financement pour des exportations de charbon de bois depuis la Somalie – un produit dont le trafic constitue l’une des principales sources de financement des milices islamistes Shebab.

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Chaque client fait l’objet d’une procédure de contrôle durant plusieurs semaines.

De même, le fonds ne finance pas les exportations de coltan depuis la RD Congo, alors même qu’il lui est possible de le faire au Congo. Une vigilance qu’il faut aussi appliquer aux clients : chacun fait l’objet d’une procédure de contrôle durant plusieurs semaines, et les prêts ne sont accordés qu’après validation du comité d’investissement, composé de trois membres du directoire de Scipion.

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Depuis Londres, la société de Nicolas Clavel occupe une position d’observateur privilégié des dynamiques de croissance du continent. Ainsi, les traditionnelles importations africaines de riz ou de diesel sont de plus en plus concurrencées par celles de ciment, de bitume et même de machines – principalement des engins de chantier. Et si les entreprises chinoises et européennes constituent des clients incontournables, le patron constate la percée du commerce intra-africain. « Cela concerne des batteries de voiture, des semences, etc., et représente une part grandissante de nos transactions », reconnaît-il.

Le modèle Scipion a prouvé son efficacité. Depuis 2007, le rendement moyen est de 11 %. Preuve de son succès, la société, qui gère actuellement 87 millions d’euros, est en train d’en lever 94 millions supplémentaires. L’occasion de nouvelles expéditions pour les membres de l’équipe, qui n’attendent qu’une chose : quitter les quartiers cossus de la capitale britannique pour sentir battre le pouls de l’économie africaine.

Lire aussi : 

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