Où va le CFA ?

Les blocages institutionnels et les problèmes de leadership ont pris le pas sur le devenir de la monnaie.

Publié le 16 avril 2007 Lecture : 3 minutes.

Et si la valeur du franc CFA était trop élevée ? Et si la parité fixe, établie le 1er janvier 1999 (1 euro = 655,957 F CFA), pénalisait les exportations et freinait les économies africaines du fait de l’appréciation de la monnaie européenne par rapport au dollar ? Voilà autant de questions que les grands argentiers de la zone franc*, réunis à Lomé (Togo) les 4 et 5 avril, ont préféré ignorer. « Il ne faut pas se laisser distraire. La dévaluation du CFA n’est pas la solution face au problème de compétitivité, y compris pour la filière coton avant tout confrontée aux subventions des pays riches », a expliqué le gouverneur par intérim de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), le Burkinabè Damo Justin Baro. « Je voudrais rappeler que le CFA est arrimé à l’euro par la volonté des États africains », a ajouté son collègue de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), le Gabonais Jean-Félix Mamalepot, qui se félicite de pouvoir s’appuyer sur une « monnaie lourde ».
Depuis la dévaluation de 1994, le consensus se veut sans faille : le parapluie euro est censé protéger les anciennes colonies d’une trop forte libéralisation des échanges. En 2006 pourtant, alors que l’ensemble de l’Afrique subsaharienne a enregistré un taux de croissance de 5,4 %, les pays de la zone franc ont connu un ralentissement, à 3,1 % de croissance seulement, contre 4,7 % en 2005. Des chiffres qui poussent certains ministres des Finances à s’interroger, sous couvert d’anonymat, sur l’intérêt d’une dévaluation. « Cette question du CFA ne doit plus être taboue. On doit regarder l’avenir », estime prudemment l’un d’entre eux, qui a vu, l’année dernière, la croissance de son pays reculer et une balance commerciale demeurer négative.
Mais, afin de peser sereinement le pour et le contre d’une telle mesure, la zone franc aurait besoin pour commencer d’un leadership qui ne souffre d’aucune contestation. Et de ce point de vue, elle offre un curieux visage.
En Afrique de l’Ouest, depuis que Charles Konan Banny a été nommé Premier ministre de Côte d’Ivoire en décembre 2005, c’est un gouverneur par intérim qui dirige la BCEAO. Le provisoire s’installe. Remplacé à la primature ivoirienne à la fin mars, Banny a fait savoir qu’il ne souhaitait pas retrouver le fauteuil qu’il a occupé pendant quinze ans. Les noms commencent à circuler. Mais rien n’assure que Laurent Gbagbo, qui possède déjà une liste de candidats, remporte la mise, alors que plusieurs capitales de la région remettent en question la règle tacite qui offre à la Côte d’Ivoire la direction de la BCEAO. La Banque ouest-africaine de développement (BOAD) n’est pas mieux lotie. Les manuvres n’ont pas permis de trouver un successeur à Boni Yayi, élu à la tête de l’État béninois en mars 2006, dont l’intérim est assuré par un Malien.
Au sein de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), le consensus ne règne pas davantage. La Guinée équatoriale, nouvelle venue dans le « club des grands », est bien décidée à bousculer les règles du jeu qui envoient systématiquement un Gabonais au siège de la BEAC. Depuis qu’il a diligenté en juin 2005, lors du sommet de Malabo, un audit sur les organes de la Cemac, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo revendique une meilleure représentation au sein des institutions, avec un argument de poids : la Guinée équatoriale détient aujourd’hui 47 % des avoirs de la Banque. « La rotation par pays pour la direction des organisations régionales doit prévaloir. La Guinée équatoriale aura un jour le poste de gouverneur », a promis un ministre de la région.
En attendant que se réunissent les chefs d’État de la Cemac et de l’Uemoa, pour enfin démêler les imbroglios de toutes ces successions, c’est Lomé qui se réjouit. Le Togo n’avait pas accueilli de réunion de la zone franc depuis 1975. « Ce rendez-vous sonne pour nous comme un encouragement afin que nous puissions retrouver notre place dans le concert des nations », s’est félicité le Premier ministre Yawovi Agboyibo. Une sorte de répétition générale avant la tenue d’élections législatives, prévues pour le 24 juin prochain, qui – si elles se déroulent dans le calme – pourrait signer la reprise de la coopération européenne, stoppée depuis 1993. La présence notable dans la capitale togolaise de Thierry Breton, le ministre français de l’Économie et des Finances, n’a pas manqué d’envoyer un signal positif à la communauté des bailleurs de fonds.

* Bénin, Burkina, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo-Brazzaville, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Mali, Niger, Sénégal, Togo, Tchad.

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