Mohamed Elyazghi
Ministre de l’Aménagement du territoire, de l’Eau et de l’Environnement
Premier secrétaire adjoint de l’Union socialiste des forces populaires (USFP) depuis 1992, Mohamed Elyazghi, 71 ans, est le ministre marocain de l’Aménagement du territoire, de l’Eau et de l’Environnement (Matee) depuis 1998. Défendant son bilan, il revient sur l’engagement des autorités pour sauvegarder les écosystèmes.
Jeune Afrique : Assainissement insuffisant, ressources en eau limitées, biodiversité menacée, pollution atmosphérique inquiétante La situation est critique. Comment en est-on arrivé là ?
Mohamed ElYazghi : Plusieurs phénomènes se sont juxtaposés durant le siècle dernier. Tout d’abord, la colonisation durant laquelle on a cultivé des terres et installé des industries à un moment où personne ne parlait d’environnement. Sont venues se greffer une importante pression démographique et une urbanisation intense – souvent sauvage : 56 % de la population vit en ville aujourd’hui, contre 5 % seulement au début du XXe siècle et 30 % en 1960 ! S’ajoutent enfin une concentration de nos activités économiques et industrielles sur le littoral et, bien entendu, les conséquences du réchauffement climatique global.
La situation presse, mais le royaume donne l’impression d’accumuler les retards dans la mise en uvre d’une véritable politique environnementale. Les décrets de la loi sur l’eau, votée en 1995, n’ont été pris que l’an dernier par exemple
Pendant longtemps, le Maroc a eu d’autres priorités. Nous pensions d’abord que pour survivre nous devions nous développer. Mais aujourd’hui, nous avons pris conscience que l’environnement n’est pas une préoccupation de pays riche. Dans le monde entier, les évolutions ont montré les liens entre la croissance économique, l’égalité sociale et la protection des milieux. La sauvegarde de la nature est devenue une démarche fondamentale de notre modèle de développement. À propos des textes d’application, nous avons effectivement pris un certain retard. Mais il nous fallait élaborer des textes adaptés au contexte marocain.
D’après les scientifiques, le Maroc est le deuxième pays méditerranéen pour sa biodiversité. Le pays ne sous-estime-t-il pas cette richesse ?
Non, le royaume en est tout à fait conscient. Avec la Turquie, nous sommes effectivement l’un des pays possédant la faune et la flore les plus diversifiées de la Méditerranée. Certes, les actes de destruction ont été importants et beaucoup d’espèces sont menacées. Mais nous voulons rattraper notre retard. Au niveau législatif notamment, après la loi sur l’eau, nous avons mis en place des lois sur les carrières, sur la protection de l’environnement, sur la pollution atmosphérique, sur les études d’impact et, enfin, sur les déchets solides. Reste un texte sur la protection du littoral – actuellement en discussion – pour compléter le dispositif. En l’absence de législation, nous ne pouvions rien faire. Il fallait absolument commencer par combler cette lacune !
Certains déplorent un manque de coordination entre les ministères et un certain laxisme quand il s’agit de faire appliquer la loi…
Il y a pourtant une véritable mobilisation. Lorsqu’il a rassemblé en un seul ministère l’Aménagement du territoire, l’Eau et l’Environnement, le gouvernement a montré qu’il avait la volonté de coordonner son action. La coopération entre les ministères, elle aussi, s’améliore. Désormais, les réformes font l’objet de concertations. Dans le domaine de l’eau par exemple, nous avons organisé un débat national. Et nous préparons actuellement la deuxième session du Conseil national de l’environnement, une structure qui regroupe l’État, les services publics, les élus et les cinq cents ONG qui travaillent sur l’environnement.
Cinq cents ONG spécialisées sur ce créneau, c’est un chiffre très important. Ne révèle-t-il pas, justement, une carence de l’État en la matière ?
Mais l’État ne peut pas réussir tout seul ! La protection de l’environnement est une action dans laquelle les pouvoirs publics, mais aussi les communes et les ONG, doivent s’engager. Et sans l’aide de l’État, les ONG ne peuvent rien. C’est un travail d’équipe.
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