Miguel Azevedo : « De plus en plus d’acquisitions dans le secteur des biens de consommation »

Dans les ressources, les banques et la production énergétique, les transactions vont se multiplier, estime le financier qui dirige sur le continent la banque d’investissement du leader américain, Citi.

Le banquier travaille depuis Londres. © Citigroup

Le banquier travaille depuis Londres. © Citigroup

Publié le 23 mai 2014 Lecture : 4 minutes.

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Finance : le modèle panafricain est-il en panne ?

À la mode dans les années 2000, l’implantation continentale est jugée par certains peu rentable, trop coûteuse et inefficace… Place aux banques régionales !

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Installé à Londres, Miguel Azevedo dirige les activités de banque d’investissement de l’américain Citi sur le continent (hors Afrique du Sud et Égypte). Numéro un en Afrique, Citi s’est illustré en participant à certaines des plus importantes opérations réalisées ces dernières années, tant par des entreprises privées que par des États. La banque a atteint une position de leader en Afrique, notamment sur les marchés obligataires. Ainsi, les équipes du financier d’origine portugaise vont appuyer prochainement la Côte d’Ivoire pour la levée de 500 millions de dollars (360 millions d’euros).

Propos recueillis par Nicolas Teisserenc.

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Jeune Afrique : Les années 2012 et 2013 ont été marquées par de nombreuses émissions obligataires libellées en dollars. Cette tendance s’essouffle-t-elle ?

Miguel Azevedo : En 2012, la Zambie a émis sa dette à un moment idéal. Le calendrier de l’émission obligataire prévue par le Kenya est plus délicat, la période étant moins favorable. Mais la fenêtre n’est pas fermée pour autant. Si la période est moins propice, c’est – entre autres – en raison de la politique de la banque fédérale américaine [qui a favorisé la remontée des taux d’intérêt des bons du Trésor américain et donc amoindri l’appétit des financiers pour ceux des pays émergents]. Mais il faut aussi tenir compte du sentiment des investisseurs à l’égard des dynamiques africaines internes. L’augmentation des déficits budgétaires et commerciaux de certains États les inquiète de plus en plus, alors que la pression s’accentue sur les taux de change dans plusieurs pays. Il n’y aura pas de conditions aussi favorables qu’en 2012-2013 pour les pays en développement d’ici à longtemps.

JA2783p139 infoMais l’activité des États sur le marché obligataire a eu un effet d’entraînement sur les entreprises. Nous avons conseillé les émissions obligataires de nombreux groupes bancaires. La dernière, pour le nigérian Zenith Bank, a permis de lever 500 millions de dollars à un taux de 6,25 % sur cinq ans. Nous avons aussi conseillé le marocain BMCE Bank et les nigérians First Bank et Access Bank.

Quel bilan tirez-vous de l’activité des marchés actions ? La période post-crise est-elle terminée ?

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Je pensais qu’ils ne redémarreraient pas avant l’an prochain, mais des transactions ont été réalisées, notamment sur le marché alternatif de Londres. Nous avons ainsi accompagné Africa Oil [dont les principaux actifs sont au Kenya et en Éthiopie] pour son augmentation de capital de 450 millions de dollars. Bien que nous ayons lancé l’opération peu après l’attentat du Westgate Mall [septembre 2013], les investisseurs n’ont pas surévalué le risque, et les titres sont partis en une demi-heure.

En décembre 2013, nous avons également aidé l’homme d’affaires anglo-ougandais Ashish Thakkar et l’ex-directeur général de Barclays Bob Diamond à lever 325 millions de dollars afin de créer le holding Atlas Mara Co-Nvest Ltd. Nous avons expliqué aux investisseurs que, pour obtenir des rendements très intéressants en Afrique, l’élément clé était l’exécution [les qualités opérationnelles].

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Vous avez conseillé Seplat avec succès. Comment avez-vous convaincu les investisseurs de se lancer dans le secteur pétrolier nigérian ?

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C’était la première fois qu’une introduction était réalisée simultanément à Lagos et à Londres. Compte tenu de l’image du Nigeria et des problèmes de sécurité que posent les projets onshore, ce n’était pas facile. Nous avons montré aux investisseurs comment Seplat était passé de 14 000 à 60 000 barils par jour en moins de quatre ans.

Étant nigériane, l’entreprise a su composer avec la population locale en lui offrant des perspectives et en impliquant la communauté dans le développement du champ. Elle a aussi lancé un programme de santé, un système de formation, et créé des emplois. À tel point que les incidents ont été réduits à zéro en quatre ans.

Prévoyez-vous d’introduire en Bourse d’autres pétroliers locaux ?

Oui, mais il faut du temps pour instaurer une gouvernance de qualité qui permette d’accéder à d’abondantes sources de financement.

Votre troisième grande activité concerne les fusions-acquisitions. L’Afrique attirera-t-elle toujours les multinationales en 2014 ?

Il y aura beaucoup plus de transactions. Elles seront d’abord le fait de multinationales désireuses d’acheter sur le continent. Puis de groupes souhaitant y consolider leurs positions. Et enfin de champions nationaux se régionalisant. Beaucoup de ces implantations seront des créations ex nihilo. Mais pour profiter de la croissance, il faut se lancer dès maintenant. Comme Danone l’a montré en rachetant Fan Milk [produits glaciers et jus de fruits] fin 2013. Nous verrons plus de transactions de ce type dans les biens de grande consommation, mais aussi dans les secteurs des ressources, des banques et de la production énergétique.

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