Les langues africaines au service du développement

L’institution onusienne coopère avec le Nigeria afin de dynamiser l’innovation scientifique de ce pays. Les monarques yorouba, hausa et ibo se mobilisent pour la cause.

Publié le 16 avril 2007 Lecture : 3 minutes.

Le jeu en valait la chandelle. Le 20 mars dernier, trois hauts responsables traditionnels nigérians étaient au siège de l’Unesco, à Paris : Alayeluwa Oba Okunade Sijuwade, ooni d’Ife (empereur des Yoroubas) ; Alhaji Ado Bayero, émir de Kano et Igwe Nnaemeka Achebe, obi (roi) d’Onitsha. Motif du déplacement : parler science et technologie avec Koïchiro Matsuura, directeur général de l’institution onusienne. À eux seuls, les trois monarques yorouba, hausa et ibo représentent environ 85 % de la population du Nigeria.
Leur démarche s’inscrit en droite ligne du dernier sommet des chefs d’État de l’Union africaine (UA) à Addis-Abeba, fin janvier. Il avait pour thème « la science, la technologie et la recherche scientifique pour le développement ». À l’issue du sommet, les dirigeants africains avaient décidé de faire de 2007 l’année de la préparation du public et de la formation de champions en matière de science, de technologie et d’innovation en Afrique. Avant les chefs d’État, les monarques de quelques pays du continent s’étaient déjà penchés sur la question. Une première fois à Abuja, au Nigeria, en 2006, et la deuxième fois à Nairobi, au Kenya, en janvier 2007. De ces deux rencontres est née une plate-forme de dialogue et de coopération.
Abordant la question de l’enseignement des matières scientifiques au Nigeria, l’ooni d’Ife, Oba Okunade Sijuwade, a relevé que « les stratégies de développement sont élaborées et transmises en anglais, une langue qui n’est pas accessible à beaucoup de gens ». Pour sortir de cette logique, une nouvelle initiative a été prise. Elle vise le développement des principales langues du pays – le yorouba, au sud ; le hausa, au nord ; l’ibo, à l’est – pour leur utilisation dans l’enseignement des sciences. Ou encore la « promotion de la culture de la science et de l’innovation, y compris l’intégration des savoirs traditionnels dans la construction de systèmes locaux d’innovation ».
Oba Okunade Sijuwade a annoncé la création d’une Académie des sciences yorouba destinée à la promotion de la coopération scientifique. Cette structure pourrait voir le jour dans les six prochains mois. Elle concerne essentiellement les Yoroubas du Nigeria, du Togo, du Bénin, de la diaspora et de pays, à l’instar de Cuba, « ayant des affinités avec la langue et la culture yoroubas ». Par ailleurs, l’installation dans le nord du Nigeria d’un bureau régional de l’Académie islamique des sciences et l’ouverture d’une académie en pays ibo sont également à l’ordre du jour. Le directeur général de l’Unesco, Koïchiro Matsuura, a salué la démarche des têtes couronnées nigérianes, « l’une des premières réponses à l’appel de l’Union africaine ».
Selon Folarin Osotimehin, chef de la section des stratégies et des politiques scientifiques, conseiller principal à l’Unesco, les monarques nigérians peuvent jouer un rôle important dans la sensibilisation scientifique de leurs communautés. « Ils sont très écoutés par leurs peuples, souligne-t-il. Il y a quelques années, les populations avaient refusé de participer à une campagne de vaccination contre la poliomyélite. Il a suffi que les autorités traditionnelles leur parlent pour qu’elles changent d’avis. » Coordonnateur du dialogue entre l’Unesco et les monarques, Osotimehin révèle que ces derniers ont promis d’apporter une contribution personnelle de 500 000 dollars à l’action en faveur de la science, de la technologie et de l’innovation sur le continent.
Depuis 1999, l’Unesco a un plan spécial de coopération avec le Nigeria. Son objectif principal est la réforme et la dynamisation du système scientifique et de l’innovation du pays. Il a conduit notamment à la création du Forum des parlementaires pour la science et la technologie. Le prochain concerne la mise en place d’une Fondation nationale nigériane pour la science. Coût de l’opération : 5 milliards de dollars. Là encore, l’action des monarques est très attendue. Ils doivent en effet convaincre les parlementaires de dépasser tout esprit partisan pour adopter le projet.

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