Ils exportent le savoir-faire camerounais
Adeptes des nouvelles technologies, ils ont fondé des sociétés qui vendent leurs services dans le monde entier. Zoom sur ces patrons qui exportent le savoir-faire camerounais.
« Rien ne doit ralentir les processus d’innovation. » Son intervention lors du cinquième forum des affaires Union européenne-Afrique, organisé les 31 mars et 1er avril à Bruxelles, a valu à Rebecca Enonchong des applaudissements nourris. Elle sait de quoi elle parle. Elle a su faire preuve d’un sens certain de l’initiative pour créer dès 1999, diplôme de sciences économiques en poche, la société AppsTech, spécialisée dans les logiciels de gestion d’entreprise certifiés Oracle Corporation (le leader mondial).
Rebecca Enonchong 46 ans, PDG d’AppsTech
des clients dans plus de 50 pays. DR" class="caption" style="margin: 4px;border: 0px solid #000000;float: left" />« Je voulais travailler pour l’Afrique, mais mes patrons successifs n’étaient pas très intéressés. Alors je me suis lancée », explique Rebecca Enonchong, aujourd’hui à la tête d’un groupe international, avec des clients dans plus de 50 pays. AppsTech compte une cinquantaine d’employés répartis entre Douala, Paris, Washington et Cleveland (États-Unis), en attendant Abidjan et Accra – avant la fin de l’année.
Éduquée aux États-Unis, où elle a débarqué à 15 ans, Rebecca Enonchong a découvert une autre réalité au Cameroun, « où tout est plus compliqué pour les entrepreneurs ». Ce qui n’a pas empêché son entreprise de décrocher les grands comptes du pays, de Camair-Co à MTN en passant par les principales banques. Bien décidée à aider la nouvelle génération à prendre la vague des nouvelles technologies, elle a également lancé deux incubateurs pour soutenir les start-up locales.
Prochain objectif : diversifier sa clientèle. Après s’être exclusivement intéressé aux multinationales, AppsTech veut se tourner vers les PME, aux États-Unis comme en Afrique. « C’est mon continent, et c’est à ma génération de participer à son développement », juge Rebecca Enonchong.
Bony Dashaco 36 ans, PDG d’Acmar Media Group
Le comble pour un diplômé de la London School of Business and Finance ? Devoir intégrer l’administration ou une entreprise publique, selon Bony Dashaco. Cet anglophone natif de Kumba (Sud-Ouest) estime avoir évité le pire en créant, en 2008, Acmar Media Group, une agence de conseil en communication pour les entreprises. À l’origine de son projet, un double pari. D’abord, faire de la communication médias un secteur d’activité à part entière au Cameroun, et non plus un domaine investi par les agences publicitaires en quête de revenus d’appoint. Ensuite, mettre fin à la domination ouest-africaine, notamment ivoirienne et sénégalaise, dans le secteur.
Media-Group-cNicolasEyidiJA JA2783p076 2" title="Bony Dashaco est diplômé de la London School of Business and Finance. © Nicolas Eyidi/JA" class="caption" style="margin: 4px;border: 0px solid #000000;float: right" />Dans ses locaux de Douala, Bony Dashaco se dit satisfait. Indépendante, son agence est financée exclusivement par des capitaux camerounais. Sa stratégie pour gagner des parts de marché ? La présence sur le terrain. Acmar Media Group est la première agence d’Afrique francophone à disposer de bureaux opérationnels dans les 18 pays où elle est représentée. Elle compte quelque 300 employés, que son patron se vante de ne pas rémunérer moins de 250 000 F CFA par mois (environ 380 euros), dans un pays où le salaire moyen est cinq fois inférieur.
Bony Dashaco mise aussi sur les nouvelles technologies, notamment les applications ICP (Integrated Communication Planning) et GRP (Gross Rating Point), qui permettent d’évaluer le rapport du coeur de cible au média pour proposer des solutions sur mesure et de vérifier que celles-ci sont mises en oeuvre par les médias. Grâce à un service de monitoring couvrant plus de 400 chaînes de télévision et 500 stations de radio, Acmar Media Group tente d’optimiser la diffusion des messages publicitaires, et donc les budgets de ses clients.
Qu’en est-il des concurrents tels que Spectrum Advertising et Havas ? Le patron assure ne pas les redouter. Il s’appuie sur son réseau en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest pour répondre à la demande de ses gros clients (Diageo, Procter & Gamble, AES-Sonel, Total, L’Oréal…), qui privilégient les campagnes panafricaines.
Tony Smith 30 ans, PDG de Limitless
Tout juste trentenaire, Tony Smith a déjà pas mal roulé sa bosse. Parti du Cameroun pour étudier aux États-Unis, il a commencé sa vie professionnelle dans les années 2000 chez Boeing, avant de devenir directeur de la stratégie et du marketing global chez Microsoft, à Seattle. Aujourd’hui, il se consacre à sa propre entreprise, Limitless, spécialisée dans la conception de tablettes numériques, de portables et d’écrans plats.
Lancé en 2011, son premier produit, Limitless Mind Tab, se veut le pendant africain d’un iPad ou d’une Samsung Galaxy. Présentée pour la première fois au salon Promote 2011, à Yaoundé, comme un accessoire « pensé et dessiné au Cameroun puis assemblé en Chine », cette tablette avait rencontré un succès relatif dans son pays.
Son promoteur a ensuite changé de stratégie en tentant de pénétrer le marché à partir de l’Europe et des États-Unis. Des boutiques en ligne, sur Amazon et sur le site de l’entreprise, ont contribué à faire connaître le produit, et Tony Smith est parvenu à séduire des sociétés, auxquelles il propose désormais une offre personnalisée leur permettant notamment de protéger leurs informations. À son actif, des contrats avec les groupes français Alstom, Orange, CIC, La Poste, L’Oréal…
Pour fabriquer ses tablettes, Limitless paie des droits de 5 à 10 dollars (3,5 à 7 euros) par unité quand les brevets appartiennent à Apple ou à Samsung. Bien décidé à positionner Limitless Mind Tab comme un produit haut de gamme derrière ces deux marques, Tony Smith développe des showrooms dans la vingtaine de pays où sa société est présente.
Il étoffe et diversifie aussi sa gamme de produits puisque Limitless, qui compte aujourd’hui 480 salariés (dont 300 au Nigeria), a vendu des drones à la compagnie française d’électricité EDF et à Aéroports de Paris, ainsi qu’un système de divertissement personnalisé à bord à Air France. Il s’attaque aujourd’hui à la création de produits innovants, notamment des télévisions de luxe utilisant des matières premières locales comme l’ébène, l’or, le cuir de crocodile ou la peau de serpent.
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