C’est parti !

Reportée à deux reprises, la phase d’exploitation de la nouvelle compagnie privée a enfin commencé.

Publié le 16 avril 2007 Lecture : 4 minutes.

Il était temps. Après la longue agonie d’Air Gabon et le projet mort-né d’Air Gabon International, la nouvelle compagnie privée Gabon Airlines ne pouvait pas se permettre un troisième report du lancement de ses activités, qui aurait été du plus mauvais effet pour de multiples raisons. D’abord, les retards n’ont jamais contribué à asseoir la réputation d’une compagnie aérienne, même naissante. En respectant son agenda, Gabon Airlines veut se démarquer de l’image de dilettante véhiculée tant par son prédécesseur que par d’autres compagnies de la sous-région. Ensuite, les Gabonais n’ont que trop longtemps attendu un nouveau transporteur dont le pavillon flatterait l’orgueil national. Enfin, il fallait satisfaire les attentes des consommateurs à l’égard d’un nouvel acteur qui serait capable de faire jouer la concurrence face au monopole qu’est devenue Air France. Depuis la disparition d’Air Gabon, la major française est en effet la seule compagnie qui relie Libreville à l’Europe par vol direct. Et, partant, qui truste l’essentiel de la clientèle d’un marché en sous-offre. La Royal Air Maroc, comme les autres compagnies qui desservent le Gabon, transite par son hub de Casablanca pour desservir les villes européennes. South African Airways ouvrira une desserte sur Libreville cette année, alors qu’Ethiopian Airlines, par ailleurs partenaire technique de Gabon Airlines, a inauguré sa liaison avec la capitale gabonaise le 16 juin 2006.
Autant de raisons qui ont poussé Christian Bongo et son équipe à débuter la phase d’exploitation, alors que les deux premiers Boeing 767-200 acquis par la compagnie sont en cours de mise aux normes. À en croire un responsable de Gabon Airlines, il s’agit de réduire le nombre de sièges installés par le propriétaire précédent, Ethiopian Airlines, afin d’offrir 36 pouces en classe économique, pour un meilleur confort, là où la concurrence n’en offre que 32. L’équipe reconnaît que tout n’est pas au point. Elle qualifie de « premier vol » et non pas de vol inaugural la liaison effectuée le 10 avril entre Paris-Charles-de-Gaulle et Libreville, à bord d’un avion loué à l’espagnole Bravo Air.
Même le recrutement du personnel n’est pas encore bouclé. Une première partie des employés a été formée et intégrée dans l’entreprise. Mais les objectifs de recrutement, fixés à 140 personnes, ne sont pas encore atteints. À première vue, il suffirait de puiser dans le réservoir du personnel d’Air Gabon pour pourvoir les postes vacants. Mais il faut d’abord s’assurer qu’il est en mesure de relever le défi de la rentabilité dans une entreprise privée. Selon Frédéric Lamarche, ancien d’Air France et responsable marketing de la nouvelle compagnie, la plupart des personnes formées et retenues viennent d’Air Gabon. Il y a même eu un concours qui leur était exclusivement réservé. « Seuls les meilleurs et les plus professionnels ont été retenus. Il aurait été contre-productif de jeter le bébé avec l’eau du bain. Pour vous citer un exemple, le directeur général adjoint de la compagnie, Didier Kouakoua, vient d’Air Gabon. »
Mais une grande partie de l’équipe dirigeante n’a atterri au Gabon que pour des raisons professionnelles. Jocelyne Bonnal, chargée de la direction commerciale, arrive de chez Corsair, la low-cost française. Maria Dos Santos, patron des ressources humaines, y a rebondi à cause des difficultés de son ancien employeur, la brésilienne Varig.
S’agissant du personnel navigant, une deuxième vague est en cours de recrutement en attendant la troisième. Tirant les leçons du passé, on prend soin de rompre radicalement avec les pratiques qui ont fait le malheur d’Air Gabon. Pour nourrir des ambitions internationales, le nouveau transporteur clame sa volonté de diversifier ses recrutements à tous les niveaux. Il projette de recruter un certain nombre de personnels navigants non gabonais. Les techniciens sont pris en charge par le partenaire stratégique Ethiopian Airlines, un des pionniers du ciel africain, qui affiche au moins 12 millions de dollars de bénéfices par an depuis juillet 2005, malgré les cours élevés du pétrole et la concurrence internationale.
Parce que des privés gabonais ont pris le risque d’y mettre de l’argent et parce qu’elle s’attaque à un marché hautement concurrentiel, la nouvelle compagnie ne peut plus se permettre les écarts des « éléphants blancs » d’antan. Gabon Airlines devra concilier gestion privée rigoureuse et mission de service public. Le gouvernement lui a accordé les droits de trafic et les privilèges de la défunte compagnie à capitaux publics. La personnalité du promoteur – Christian Bongo est le fils du chef de l’État – peut, à cet égard, constituer un paratonnerre contre les interférences politiques qui plombent parfois les comptes des entreprises de grande taille. On parle de cost killing en arrière-plan de tout le déploiement de la nouvelle entité. À titre d’exemple, Gabon Airlines n’a pas encore ouvert de représentation à Paris, conformément à cette politique de compression des coûts. La liaison avec la capitale française est pourtant la colonne vertébrale de son réseau. En attendant, la compagnie s’en remet aux agences de voyages tout en misant sur le développement de l’achat des billets d’avion en ligne.
Il reste aussi à créer les deux filiales que le transporteur veut progressivement mettre en place après l’envol effectif de la compagnie : Gabon Airlines Cargo, qui se chargera du transport aérien de marchandise et dont la flotte comptera, au départ, un Boeing 737-200 cargo. Elle sera dirigée par Jacob Cabinda. En revanche, Gabon Airlines Régional, la filiale censée gérer le réseau interne et sous-régional, n’a toujours pas de directeur. Mais les objectifs ont été définis. Seront desservis Douala, Malabo, Brazzaville, Pointe-noire, Kinshasa, Addis-Abeba, Cotonou, Lagos, Luanda, Lomé, Abidjan et Johannesburg.
Du côté de la concurrence, on perçoit un frémissement depuis l’annonce du lancement des activités de la nouvelle compagnie. La plupart des grands transporteurs desservant le Gabon proposent des offres promotionnelles à l’occasion des fêtes pascales, quand elles ne font pas une campagne d’affichage. La bataille pour s’attirer les faveurs de l’élite, des hommes d’affaires et de la classe moyenne émergente au Gabon, ce qu’on appelle chez Gabon Airlines la « clientèle haute contribution », se répercutera-t-elle sur le prix des billets ?

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires