Les agendas contradictoires des puissances étrangères en Libye

Le conflit libyen s’est transmuté en une guerre par procuration, qui reflète autant les fissures géopolitiques du Moyen-Orient que les frictions au sein de l’Otan.

Le ministre turc de la Défense, Hulusi Akar, et le chef d’état-major, Yasar Guler, en visite à Tripoli, le 4 juillet 2020. © Arif Akdogan/Anadolu Agency/AFP

Le ministre turc de la Défense, Hulusi Akar, et le chef d’état-major, Yasar Guler, en visite à Tripoli, le 4 juillet 2020. © Arif Akdogan/Anadolu Agency/AFP

Publié le 17 juillet 2020 Lecture : 3 minutes.

La Libye s’est enfoncée dans le chaos depuis la chute du régime autoritaire de Mouammar Kadhafi, en 2011, à la faveur d’un soulèvement soutenu par une coalition militaire emmenée par Washington, Paris et Londres, avec le feu vert de l’ONU. Depuis 2015, deux autorités s’y disputent le pouvoir : le Gouvernement d’union nationale (GNA), basé à Tripoli, reconnu par l’ONU et dirigé par Fayez al-Sarraj, et un pouvoir militaire incarné par l’Armée nationale libyenne (ANL), du maréchal Khalifa Haftar, dans l’est du pays. Les combats entre les deux camps impliquent notamment milices tribales, jihadistes et mercenaires téléguidés par plusieurs pays étrangers. Mais que cherchent vraiment ces derniers ? Tour d’horizon.

· Égypte

Soucieuse de sécuriser ses frontières poreuses, l’Égypte d’Abdel Fattah al-Sissi a longtemps soutenu Khalifa Haftar. En juin, après la progression des forces du GNA sur le terrain et le recul de l’ANL, le président égyptien a proposé un cessez-le-feu, prévenant que Le Caire se réservait la possibilité d’intervenir militairement pour stopper toute avancée vers l’Est des forces du GNA. Les relations avec Ankara sont tendues depuis que Sissi est arrivé au pouvoir, en 2013, après avoir destitué Mohamed Morsi, membre des Frères musulmans, soutenus par Ankara.

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· Turquie

Sous la présidence de Recep Tayyip Erdogan, Ankara tente d’étendre son influence dans le monde arabe, et en particulier en Méditerranée, avec notamment une implication dans la guerre en Syrie. En Libye, Ankara a fourni des conseillers militaires au GNA et y a également envoyé des miliciens syriens supplétifs de la Turquie, des drones et des systèmes de défense anti-aérienne.

Ankara et le GNA ont signé en novembre un accord de « coopération militaire et sécuritaire » et un accord de délimitation maritime qui permet à la Turquie de faire valoir des droits sur de vastes zones en Méditerranée orientale, riches en hydrocarbures et convoitées par d’autres pays. La Turquie et la Russie, qui se sont rapprochées au cours des dernières années, soutiennent des parties opposées en Libye et en Syrie.

· Russie

La Russie de Vladimir Poutine étend elle aussi son influence dans la région, notamment en Syrie. En Libye, des mercenaires ayant des liens avec la société privée Wagner, considérée comme proche du président russe, sont engagés dans les combats aux côtés du maréchal Haftar.

Selon des experts de l’ONU, le groupe Wagner a soutenu les forces pro-Haftar avec « des opérations de combat et d’influence », des snipers et un appui technique. L’armée américaine a accusé Moscou de fournir des avions de combat pour soutenir ces mercenaires, ce que Moscou dément.

Des véhicules de la "Brigade de Tripoli", loyale au GNA, le 10 juillet 2020, à Tripoli en Libye. © Mahmud TURKIA/AFP

Des véhicules de la "Brigade de Tripoli", loyale au GNA, le 10 juillet 2020, à Tripoli en Libye. © Mahmud TURKIA/AFP

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· France

Paris reconnaît avoir apporté du renseignement au maréchal Haftar, mais réfute tout soutien militaire dans son offensive contre Tripoli. La France dénonce les ingérences turques en Libye. Les tensions entre les deux pays sont montées d’un cran, particulièrement après un incident maritime entre deux bâtiments de guerre en Méditerranée.

Il est « crucial » que l’Europe s’empare à bras-le-corps des dossiers géopolitiques méditerranéens, et reste maître de son destin, sans le laisser à « d’autres puissances », a déclaré Emmanuel Macron ce lundi 13 juillet, évoquant sans les nommer la Turquie et la Russie. « S’agissant de la Libye, je veux redire ici combien sa stabilisation est fondamentale pour la sécurité de l’Europe et du Sahel », a insisté le président français.

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· Italie

Ancienne puissance coloniale jalouse de son influence et de ses intérêts économiques, notamment pétroliers, l’Italie soutient, elle, le GNA en Libye, un soutien qui aurait également pour priorité l’assèchement des flux de migrants. Selon le ministère italien de l’Intérieur, 8 988 migrants ont débarqué sur les côtes italiennes entre le 1er janvier et le 13 juillet 2020, contre seulement 3 165 pendant la même période en 2019. Plusieurs dizaines ont été testées positives au coronavirus, ce qui provoque de nouvelles tensions politiques dans le pays.

· Qatar

Mis à l’écart par ses voisins arabes du Golfe et par l’Égypte qui l’accusent de soutenir des mouvements islamistes radicaux, le Qatar soutient lui aussi le GNA. Sur le terrain libyen, le riche petit émirat gazier est en concurrence avec les Émirats arabes unis qui – comme l’Égypte – appuient le maréchal Haftar.

· Émirats arabes unis

L’autre riche pays pétrolier du Golfe a soutenu le maréchal Haftar pendant des années avec des avions de combat, des drones chinois et autres types d’armement moderne. Les Émirats accusent le GNA d’être proche des Frères musulmans, à l’égard desquels Abou Dhabi a une politique de tolérance zéro. Et sont soupçonnés, avec d’autres monarchies arabes du Golfe, de financer l’intervention du groupe Wagner. Le maréchal Haftar serait, selon un rapport de l’ONU, également soutenu par des combattants syriens pro-Damas et des mercenaires venus du Soudan et autres pays.

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