[Chronique] Au Bénin, les médias en ligne sous pression
La Haute autorité béninoise de l’audiovisuel et de la communication met en garde les organes de presse en ligne. Tournant autoritaire ou légitime régulation ?
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 16 juillet 2020 Lecture : 2 minutes.
« Suspension des médias en ligne », « ordre » de « mettre fin à toutes publications », « rigueur de la loi », « clef sous la porte » et risque de faillite de plusieurs organes de presse : le compte-rendu médiatique d’un discret communiqué de l’instance de régulation de l’audiovisuel béninois – publié début juillet – traduit une ambiance anxiogène dans le monde journalistique.
Certains jugent cette récente déclaration ambiguë, dans des contrées en pleine mutation technologique et encore adolescentes sur le plan médiatique –depuis le « printemps de la presse » des années 1990.
« Enquêtes de moralité »
Un porte-parole de la Haute autorité béninoise de l’audiovisuel et de la communication (HAAC) évoque l’impérative obtention d’une autorisation préalable pour revendiquer le statut de support médiatique, via notamment des « enquêtes de moralité ».
Chacun a intérêt à ce que soit séparés le bon grain journalistique de l’ivraie des infox. Cernés de tsunamis informatifs approximatifs, les organes de presse ont besoin d’une reconnaissance administrative de la part des instances de régulation, autorisation qui vaut peu ou prou pré-homologation déontologique, à ne pas confondre avec une validation éditoriale. La presse en ligne n’échappe pas à ce besoin, notamment les pure players dont les pages web ne cohabitent pas avec des versions papiers.
Pour autant, c’est dans un certain « flou » que disent évoluer certains acteurs de cette « info 2.0. », notamment ceux qui exerçaient avant le cadre légal actuel. Des responsables de sites dénoncent le manque de célérité du fournisseur d’autorisations, affirmant avoir effectué toutes les formalités, depuis des mois, et attendre pourtant la validation de la HAAC. Une lenteur administrative qui ne cadre pas avec le rythme du nouveau monde numérique…
Atmosphère tendue
Les muscles bandés de la Haute autorité ne sont-ils qu’une arme dissuasive ? Les acteurs de l’information seraient moins inquiets si l’atmosphère n’était pas tendue dans le Landernau journalistique béninois.
En avril 2018, l’adoption d’une loi portant Code du numérique – criminalisant les délits de presse en ligne et le partage de « fausses informations » sur les réseaux sociaux – apparaissait, aux yeux de la société civile, comme une volonté de restreindre la liberté d’expression. La condamnation déroutante d’Ignace Sossou pour « harcèlement » envers le procureur de la République, il y a quelques mois, a marqué les esprits.
En Afrique de l’Ouest, les récentes inondations devrait pourtant rappeler que tenter d’endiguer le flux de contenus numériques, c’est comme essayer de contenir une crue avec des mains aux doigts écartés.
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