Un Américain en orbite

Publié le 16 février 2004 Lecture : 3 minutes.

Lorsque la mise à feu de la fusée Atlas est ordonnée, le 20 février 1962, John Glenn, l’astronaute à bord, ne porte pas seulement les espoirs technologiques des ingénieurs de la Nasa, l’agence spatiale américaine. Il a surtout pour mission de laver l’affront que les Russes ont infligé aux Américains moins d’un an auparavant, lorsque Youri Gagarine est devenu le premier homme en orbite. La Nasa, qui étudiait simplement la possibilité d’un vol suborbital, était à mille lieues d’imaginer que le programme spatial russe, réalisé dans le plus grand secret et dont les projets n’étaient annoncés qu’une fois couronnés de succès, était avancé à ce point. Elle examinait justement les possibilités d’envoi d’un homme dans l’espace pour éviter de connaître un nouvel échec cuisant, après celui de Spoutnik, premier satellite placé en orbite par… les Russes.

Pour effacer les humiliantes réussites des ingénieurs de Moscou, il fallait à tout prix réussir ce vol. Le programme Mercury est donc lancé, et devait être réalisé au pas de charge. La sélection a été draconienne, avec passage en centrifugeuse et différents exercices très physiques, pour ne choisir que sept hommes parmi le millier de candidats. Parmi eux, John Glenn, capitaine de l’armée américaine et pilote de chasse pendant la guerre de Corée, devenu pilote d’essai une fois la paix retrouvée. L’homme voue une passion sans borne à la vitesse, et affirme croire « au Christ, à la patrie et à la famille ». Bref, il représente le héros américain par excellence. Un héros qui, lorsqu’il apprendra qu’il est l’heureux élu, décidera d’appeler sa capsule Friendship-7. Sept pour le nombre de postulants, « Friendship » pour amitié.

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Après six reports – le tir était initialement prévu le 20 décembre -, John Glenn et sa capsule sont propulsés dans l’espace le 20 février, à 9 h 47, par la fusée Atlas à partir du pas de tir de Cap Canaveral, en Floride. Scott Carpenter, un autre des sept astronautes, lance à John Glenn un « Good speed » qui restera dans l’Histoire jusqu’à ce qu’un certain « petit pas pour l’homme, mais un grand pas pour l’humanité » ne le détrône. Cinq minutes plus tard, le vacarme de la fusée s’estompe progressivement jusqu’à ce que retentisse une dernière détonation, marquant le placement en orbite de la capsule qui s’était détachée du lanceur. Glenn tourne autour de la planète bleue à 28 000 km/h. Et toute l’Amérique vibre avec son héros, dont l’exploit est retransmis en direct. Son rythme cardiaque ne dépasse pas les 110 pulsations par minute, et son seul commentaire sur sa condition physique sera un laconique « Ouais, ça bouge un peu ».
Sept circuits orbitaux étaient prévus, mais Glenn n’en réalisera que trois, à cause d’un incident mécanique qui l’oblige par ailleurs à piloter la capsule manuellement. Après quatre heures et quarante-trois minutes de vol, Friendship-7 commençe alors à ralentir, de 160 mètres par seconde, et donc à perdre de l’altitude pour enfin entrer dans l’atmosphère. Une violente détonation fait comprendre à Glenn qu’il a perdu un élément du bloc moteur. Lorsqu’il veut prévenir Cap Canaveral de cet incident, il s’aperçoit que les communications sont coupées. Il est alors dans une situation qu’aucun autre Américain n’a connue avant lui, isolé dans une capsule à l’extérieur de laquelle la température atteint 1 650 °C. Glenn témoignera également avoir vu, à travers le hublot, des éléments de la capsule fondre à cause de la chaleur. Dans la salle de contrôle, on retient son souffle. Après quatre minutes et vingt secondes de black-out total, la voix de Glenn se fait à nouveau entendre. Il prépare son amerrissage, au large des Bermudes.
L’accueil que lui réservent les Américains est triomphal. John Kennedy le couvre d’éloges et de décorations. Nikita Khrouchtchev téléphonera même au président américain pour le féliciter. En réalité, les deux États sont à nouveau sur un pied d’égalité en matière de conquête spatiale. Les Américains prendront un avantage définitif le 21 juillet 1969, lorsqu’un nouveau héros répondant au nom de Neil Armstrong marchera sur la Lune. Mais John Glenn gardera une aura particulière qui lui vaudra d’obtenir l’autorisation exceptionnelle de voler à nouveau, en 1998, à l’âge de 77 ans, à bord de la navette Discovery.

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