Tibéhirine : ce qu’en pense l’armée

Publié le 16 février 2004 Lecture : 3 minutes.

On croyait la question « qui tue qui ? » passée de mode et, voilà qu’à quelques semaines de l’élection présidentielle elle resurgit. Opération de déstabilisation de l’armée ou simple hasard de calendrier ? Si l’on y regarde de plus près, la seconde éventualité est la plus probable. Après la plainte déposée en novembre 2003 par la famille de Christophe Lebreton, un des sept moines trappistes assassinés à Tibéhirine, dans la région de Médéa, en avril 1996, le parquet de Paris a décidé d’ouvrir une information pour « enlèvements, séquestrations et assassinats ». Il a confié l’enquête à un juge antiterroriste. Pour rappel, l’affaire des moines de Tibéhirine a débuté, dans la nuit du 26 mars 1996, par une incursion d’éléments des Groupes islamiques armés (GIA) dans un monastère. Un mois plus tard, après moult rebondissements, les ravisseurs avaient exécuté les ecclésiastiques, dont on a n’a retrouvé que les têtes.

Le rapt avait été revendiqué par Djamel Zitouni, alors chef des GIA, dans un communiqué publié trois semaines après l’enlèvement dans le bulletin Ansar el-Islam, édité à Londres par Abou Qotada. Ce dernier, aujourd’hui considéré comme l’éminence grise d’el-Qaïda en Europe, est détenu dans une prison de la capitale britannique. Zitouni expliquait dans ce texte sa motivation : échanger les otages contre la libération d’Abdelhaq Layada, son prédécesseur à la tête des GIA, détenu à Serkadji, sur les hauteurs d’Alger. L’opération ayant échoué, Zitouni avait exécuté les moines.

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Cette version des faits est démentie par trois déserteurs algériens : le capitaine Abderrahmane Chouchane, exilé à Londres, le commandant Samraoui, réfugié en Allemagne, et l’adjudant Abdelkader Tigha, incarcéré aux Pays-Bas. Tous trois imputent les assassinats au Département recherche et sécurité (DRS, services secrets algériens). L’argument ? Zitouni était un agent du DRS infiltré dans les GIA. Le mobile ? Disqualifier l’insurrection islamiste aux yeux de la communauté internationale. C’est sur la base de ses « révélations » que la famille Lebreton a déposé une plainte contre X.
De nouveau sur la sellette, l’armée algérienne demeure sereine. Un général du DRS ne trouve que des aspects positifs dans l’ouverture de cette information judiciaire. « Nous sommes d’autant plus à l’aise que l’enquête va dévoiler le degré de responsabilité de nos partenaires (la DGSE, sans doute, NDLR) français qui n’ont pas joué le jeu. En recevant l’émissaire du chef des GIA et en entamant avec lui des négociations, sans nous en informer, ils ont précipité l’exécution des trappistes. »
En quoi la vie des otages aurait-elle été épargnée si le DRS avait été mis au parfum par les Français ? « Il y a le précédent du rapt des fonctionnaires du consulat de France à Alger, en 1993. La parfaite synergie avec nos partenaires a permis un dénouement heureux. »
Pour le DRS, l’ouverture d’une information judiciaire a un autre avantage : « Elle dévoilera la personnalité des accusateurs. Les trois ont eu maille à partir avec la justice militaire. Les deux premiers pour avoir refusé d’être rappelés en Algérie à l’issue de leur mandat d’attaché de défense dans des ambassades en Europe, le troisième pour des voies de fait commises en sa qualité de membre des services. »
De son côté, l’Église catholique, par la voix de l’archevêque d’Alger, Mgr Henri Tessier, s’en tient à la version officielle : les moines trappistes ont été exécutés par les GIA.

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