Par-delà la frontière

Le cerf-volant, de Randa Chahal Sabbag Le voyage de James à Jerusalem, de Ra’anan Alexandrowicz (sortie à Paris le 18 février)

Publié le 17 février 2004 Lecture : 2 minutes.

Lamia est libanaise, elle a 15 ans. Une assemblée de vieillards vient de décider qu’elle est en âge d’être mariée : on accordera sa main à son cousin Samy. Elle ne l’a jamais vu. Et pour cause : il habite de l’autre côté du no man’s land apparu au milieu du village depuis que le conflit avec Israël a provoqué une modification de la frontière, au sud du pays. Cet au-delà de son univers quotidien et des miradors, elle ne le connaît que grâce à ses jeux d’enfant, à ce cerf-volant qu’elle arrive parfois à envoyer par les airs de l’autre côté des fils de fer barbelés gardés par Tsahal.
Séparées par les armes, les familles libanaises ne peuvent se donner des nouvelles que lors de rendez-vous réguliers où l’on communique de colline à colline à l’aide de mégaphones. Seul un cas de force majeure peut permettre de traverser le no man’s land. Comme un mariage, par exemple. Lamia franchit donc le poste militaire frontalier en robe nuptiale. L’occasion pour elle de rencontrer, avant même son promis qui se révélera si décevant, un soldat druze de l’armée israélienne, déjà amoureux d’elle. Il l’observe en effet depuis longtemps à la jumelle…
Ce long-métrage, dont le scénario s’inspire de l’histoire d’un village syrien du Golan, veut nous faire sentir le désarroi qui saisit une communauté brisée par un conflit qui la dépasse. Et prêcher pour la liberté et la tolérance à grand renfort de scènes allégoriques et oniriques. Les images sont superbes…, mais leur esthétisme même prive ce film d’une grande partie de sa force.
Flirtant aussi avec le registre de la fable, mais moins « achevé » et réalisé avec un tout petit budget, , réussit mieux à nous émouvoir. Non sans tendresse, mais avec férocité, il critique la culture occidentalisée et utilitariste d’Israël, pays si souvent fermé à « l’Autre ». L’auteur conte avec humour les mésaventures pittoresques d’un Africain noir, chrétien, venu en pèlerinage sur les Lieux saints de Jérusalem et qui devient travailleur immigré, clandestin, dans une ville côtière de l’État juif. Les frontières intérieures – celles entre les citoyens « légaux » et les « illégaux », entre les exploiteurs et les exploités, entre les forts et les faibles, mais aussi entre l’imaginaire et la réalité – sont parfois plus difficiles à franchir que les frontières territoriales.
Le Voyage de James à Jérusalem a été également imaginé à partir d’un fait réel. Le cinéaste, Ra’anan Alexandrowicz, dit avoir conçu la première scène de son film en rencontrant un jour un Nigérian d’une quarantaine d’années, ex-banquier muni d’un simple visa de touriste, qui était venu en Israël certain d’y découvrir la Terre promise et s’était retrouvé contraint de faire des ménages à Tel-Aviv. Au lieu de multiplier les « effets » à partir de cette situation, Ra’anan a filmé, avec le concours de l’excellent comédien sud-africain Siyabonga Melongisi Shibe, au ras du quotidien. Et c’est précisément parce qu’il ne cherche jamais à délivrer de message qu’il est presque toujours convaincant.

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