RDC : sous pression des États-Unis, Félix Tshisekedi procède à un prudent remaniement dans l’armée

Le chef de l’État congolais, Félix Tshisekedi, a procédé à un large mais prudent remaniement au sein de l’armée. Alors que le très controversé général John Numbi a été mis à l’écart, d’autres officiers sous sanctions ont été replacés à des postes de choix.

Le président congolais Félix Tshisekedi préside le Conseil des ministres, en juin 2020. © Présidence RDC

Le président congolais Félix Tshisekedi préside le Conseil des ministres, en juin 2020. © Présidence RDC

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Publié le 19 juillet 2020 Lecture : 3 minutes.

L’information la plus significative ressortant des nombreux changements opérés par le président congolais dans l’appareil militaire est la mise à l’écart du général John Numbi. Jusque-là inspecteur général des FARDC, les forces armées congolaises, ce très proche de Joseph Kabila avait été placé sous sanctions américaines et européennes depuis 2016. Son absence à la récente réunion du haut commandement élargi de l’armée, le 11 juillet, avait alimenté les rumeurs qui circulaient depuis quelques semaines dans certains milieux diplomatiques.

Numbi est notamment suspecté d’avoir joué un rôle dans l’assassinat, en juin 2010, du défenseur des droits de l’homme Floribert Chebeya, l’ancien président de l’ONG La Voix des sans voix, ainsi que de son chauffeur Fidèle Bazana. À la suite de ce scandale qui avait pris une ampleur internationale, il avait été démis de ses fonctions de chef de la police, avant de revenir dans la lumière en 2017, décoré de l’Ordre des héros nationaux Kabila-Lumumba.

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Régulièrement soupçonné d’entretenir l’insécurité dans l’ex-Katanga, province dont il est originaire, il a été remplacé au poste d’inspecteur général des Forces armées de la République démocratique du Congo par Gabriel Amisi, dit « Tango Four », un autre officier sous sanctions américaines et européennes pour « entraves au processus électoral en RDC et violations des droits de l’homme ».

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Lui aussi collaborateur de longue date de l’ancien président, il était jusqu’à présent chef-d’état major adjoint en charge des renseignements. Sa nouvelle fonction le tiendra donc écarté de la gestion des opérations militaires, mais « Tango Four » a néanmoins été promu au grade de « général d’armée ».

Pour le seconder à l’inspection générale des FARDC, Gabriel Amisi pourra compter sur un autre nom bien connu de l’appareil sécuritaire congolais : le général Charles Akili, dit « Mundos », commandant de la 33e région militaire (Sud-Kivu et Maniema), également sous sanctions et cité dans plusieurs rapports du groupe d’experts de l’ONU pour son rôle présumé dans l’insécurité qui règne dans la région de Beni. Lui aussi sera tenu éloigné des opérations sur le terrain.

Parmi les autres mouvements significatifs, la nomination de Jean-Claude Yav, ex-chef de la maison militaire, au poste de chef d’état-major adjoint aux côtés de Célestin Mbala, qui est lui maintenu à son poste de chef d’état major général, est à souligner. Comme celle du général Fall Sikabwe Asinda, soupçonné de graves violations des droits de l’homme, à la fonction de chef d’état-major de l’armée de terre. Au mois de mars, ce dernier était passé en conseil de discipline pour des suspicions de détournement de primes. Sur le terrain également, le général Philémon Yav, surnommé le Tigre, quitte le Katanga pour le Nord-Est et les Kivus.

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Félix Tshisekedi a par ailleurs nommé le général Franck Ntumba comme nouveau chef de la maison militaire du chef de l’état, tandis que dans les renseignements militaires, c’est le général Michel Mandiangu qui prendra la place de Delphin Kahimbi, décédé en février dans des circonstances troubles.

L’ombre de Joseph Kabila

Attendu depuis plusieurs mois, le chambardement opéré par Félix Tshisekedi avait été retardé par la pandémie de coronavirus, mais aussi par le besoin d’affiner le choix des profils et de conserver un certain équilibre dans un secteur réputé pour être toujours sous l’influence de son partenaire de coalition, Joseph Kabila.

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Ce remaniement consacre une certaine continuité dans l’appareil militaire, malgré de nombreux changements de postes. L’ombre de Joseph Kabila est toujours visible, au regard des fonctions attribuées à plusieurs généraux qui lui sont réputés fidèles.

La mise à l’écart de John Numbi a toutefois été saluée par les autorités américaines, qui ont sous-entendu à plusieurs reprises qu’ils soutenaient le départ des nombreux officiers sous sanctions encore en poste, afin de faciliter leur coopération avec la nouvelle administration.

Cette réorganisation vient également sanctionner la dégradation de la situation sécuritaire dans l’Est. Cette nouvelle mise en place, qui affecte les zones de défense, les régions militaires, les grandes unités, les bases et écoles militaires, de même que le ministère de la Défense, où un secrétaire général a été désigné, suffira-t-elle à impulser une nouvelle gouvernance en matière de défense nationale ? C’est en tout cas l’un des grands enjeux de ce remaniement.

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