Meriem Belaala

Présidente de SOS Femmes en détresse

Publié le 16 février 2004 Lecture : 3 minutes.

Dynamique, fonceuse, battante… les qualificatifs ne manquent pas pour décrire la présidente de SOS Femmes en détresse, une des rares ONG à lutter pour les droits des femmes en Algérie, qui a installé son siège dans la capitale. Meriem Belaala, 46 ans, est depuis longtemps impliquée dans le milieu associatif. Elle s’activait déjà dans diverses associations de jeunes lorsqu’elle travaillait pour le ministère de la Jeunesse et des Sports. C’est son intérêt pour la condition féminine qui l’amène jusqu’à Femmes en détresse. En 1995, elle est élue secrétaire générale de l’association, et présidente trois ans plus tard. Un poste auquel elle consacre tout son temps et toute son énergie.
La tâche n’est pas simple dans un pays musulman, où les femmes ont beaucoup de devoirs et très peu de droits. Meriem Belaala a choisi de parler, de dénoncer les pratiques discriminatoires et de briser les tabous. L’association dont elle s’occupe a pour principaux objectifs d’aider les femmes en détresse depuis l’adolescence jusqu’au troisième âge, de défendre leurs droits moraux et matériels, de les informer sur leurs droits et de prendre en charge toute question relative à leur condition. Il est aujourd’hui mis à leur disposition un foyer d’accueil, constitué de deux chalets en préfabriqué. Sa capacité passera de 20 à 60 places le 8 mars prochain, date de la Journée mondiale de la femme. Il sera en outre équipé d’une garderie.

Battues, violées, divorcées ou répudiées, enceintes après un acte sexuel hors mariage, victimes d’inceste, de terrorisme et rejetées par leurs familles… Toutes ces femmes, lâchées par la société, se réfugient dans ce foyer le temps de se remettre de leur drame… ou d’étouffer le scandale. Elles y trouvent soutien psychologique et juridique, participent à des colloques sur différents thèmes, dont la sexualité. C’est ainsi que plus de 1 500 personnes, dont des enfants, ont à ce jour pu bénéficier des services de l’association. « Nous aidons la femme en détresse sans distinction de race, de nationalité, de religion ou d’opinion politique, explique Meriem Belaala. Pour preuve, nous avons accueilli un groupe de Congolaises accompagnées de leurs enfants. » Afin de les aider à se réinsérer dans la société, la présidente et ses collaborateurs (car il y a aussi des hommes dans l’association) lancent un programme de formation professionnelle et développent des microentreprises. « Ici, la situation des femmes a régressé et les répercussions socio-économiques se font de plus en plus sentir », constate-t-elle.

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Depuis sa création en 1993, SOS Femmes en détresse se bat pour avoir un numéro vert. En vain. Pourtant, le nombre d’appels ne cesse d’augmenter tellement il est difficile pour ces femmes, dans une société patriarcale et conservatrice, de parler ouvertement de leurs problèmes. « Elles commencent à briser le grand tabou : la sexualité, confie Meriem Belaala. En appelant notamment pour parler de viol, d’inceste et de grossesse non désirée. » Ainsi, sur les 4 507 appels reçus en 2000, 400 concernaient la violence physique et 30 la violence sexuelle. Pour l’année 2002, 101 cas de violence conjugale et 25 affaires de répudiation ont été enregistrés.
Aujourd’hui, le débat sur le statut de la femme est relancé. Le président Abdelaziz Bouteflika a créé, le 27 octobre, une commission pour la révision du Code de la famille. Adopté en 1984 par l’Assemblée populaire nationale (APN), ce code inspiré de la charia – la loi coranique – soumet entièrement la femme à la volonté de l’homme, légalise la répudiation et la polygamie. Après la réforme de la Moudawana au Maroc (l’équivalent du Code de la famille en Algérie), avalisée début janvier, l’Algérie demeure le seul des trois pays du Maghreb à traiter inégalement la femme par rapport à l’homme. Quand on évoque la réforme de ce code, Meriem reste sceptique : « On nous a déjà promis de le revoir en 1996, à la veille des élections. Curieusement, le dossier est passé aux oubliettes après le scrutin. Pourquoi les choses changeraient-elles aujourd’hui, à quelques mois de l’élection présidentielle ? C’est le même discours qui se répète ! De notre côté, nous comptons soumettre à l’APN un rapport fondé sur des témoignages et sur notre expérience du terrain avec une proposition de loi. » La femme algérienne sortira peut-être bientôt de l’obscurité…

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