Le président, le pasteur et les opposants

Depuis plusieurs mois, et dans le plus grand secret, un théologien français s’emploie à organiser une rencontre entre des représentants de Denis Sassou Nguesso et des délégués de ses adversaires en exil.

Publié le 16 février 2004 Lecture : 3 minutes.

Si le projet prend corps et surtout s’il débouche sur autre chose qu’un simple constat de belligérance, cela pourrait être une des meilleures nouvelles que les Congolais aient connues depuis longtemps. D’ici à la fin de février et peut-être même dès cette semaine, des représentants du président Denis Sassou Nguesso devraient rencontrer à Paris puis à Genève (à moins que ce ne soit l’inverse) des délégués dépêchés par les trois principaux chefs de l’opposition en exil : Pascal Lissouba, Bernard Kolélas et Jacques Joachim Yhombi Opango.

Ce premier véritable dialogue depuis la fin de la guerre civile congolaise, il y a plus de six ans, aura pour initiateur et médiateur une personnalité connue du paysage religieux français : le pasteur Jean-Arnold de Clermont, 62 ans, président de la Fédération protestante de France et coprésident de l’influent Conseil des Églises chrétiennes de France. Depuis plusieurs mois, et dans le plus grand secret, ce théologien, qui a conservé d’un séjour missionnaire en Centrafrique un vif intérêt pour le continent, ne ménage ni sa peine ni ses voyages en ce sens, rencontrant un à un, de Brazzaville à Londres en passant par Bamako, les principaux protagonistes.

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Même si l’on peut toujours chicaner sur les termes, c’est bien avec une posture de négociation que les opposants se rendront à ce rendez-vous. En échange, si l’on peut dire, de la reconnaissance explicite de Denis Sassou Nguesso comme chef de l’État, du Parlement et des autres institutions élues, ainsi que du respect des échéances électorales prévues – qu’il ne s’agit plus d’anticiper -, Lissouba, Kolélas et Yhombi exigeraient ceci. Primo, la révision de l’article 57 de la Constitution limitant à 70 ans l’âge auquel il est possible de se présenter à l’élection présidentielle ; secundo, une amnistie générale effaçant de leurs casiers judiciaires respectifs les peines auxquelles tous trois ont été condamnés ces dernières années ; tertio, la révision (consécutive à ce qui précède) de l’article 88, donc le rétablissement des pensions (et autres droits) auxquels les anciens présidents Lissouba et Yhombi ainsi que l’ex-Premier ministre Kolélas peuvent prétendre. En dehors de ce dernier point « alimentaire », l’enjeu des deux autres est clair : il s’agit de permettre à Lissouba (72 ans), Kolélas (70 ans) et Yhombi (65 ans) de pouvoir briguer à nouveau la magistrature suprême en octobre 2009. Plus jeune que ses adversaires il est dans sa soixante et unième année -, Denis Sassou Nguesso n’est évidemment concerné par aucune de ces modifications éventuelles.
Suivies de près par les autorités françaises – qui insistent néanmoins pour signifier qu’elles n’y sont en rien mêlées, conseillant au journaliste curieux de se rapprocher de la Fédération protestante -, les tractations en cours associent les Églises du Congo. Mais certaines personnalités semblent en avoir été exclues. C’est le cas, tout au moins jusqu’ici, du « pasteur » lari Frédéric Bitsangou alias Ntoumi, figure charismatique de ce qui reste des rebelles Ninjas du Pool. Le cas aussi de celui qui est considéré comme le plus intransigeant des exilés : l’ancien ministre de l’Économie et des Finances de Lissouba, Nguila Moungounga Nkombo. Brouillé avec l’ex-président, ce Babembe de Mouyondzi, qui vit à Paris où il anime un « Cercle d’études pour le retour de la démocratie au Congo », nous a confirmé n’avoir reçu, à ce jour, aucune invitation de la part du pasteur Jean-Arnold de Clermont.

Pour l’instant, ni ce dernier, actuellement « en voyage », ni les autorités congolaises ne souhaitent communiquer sur ces pourparlers en phase délicate de gestation. On imagine néanmoins un Denis Sassou Nguesso serein. Derrière le paravent d’un mini-Marcoussis à la congolaise, organisé par une version française de Sant’Egidio, ce qui est fondamentalement en cause n’est rien d’autre en effet qu’un accès (ou un retour) à la « mangeoire » nationale. Sur ce plan, l’hôte de Mpila est en position de force : nul autre que lui ne possède la clef du garde-manger…

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