Joie, joie, nous avons perdu !

Publié le 17 février 2004 Lecture : 2 minutes.

Mesdames, je vais parler de football, acceptez mes excuses les plus plates. Mais ce n’est pas tous les jours, ni même toutes les années, que l’on peut s’offrir un de ces Maroc-Algérie chargés de tout l’amour fratricide que se portent les sujets de M6 et les administrés de Boutef. Quelques heures après la fin du match, j’arrive à entrer en contact avec mon cousin Rachid dans une petite ville de l’Ouest algérien (j’ai de la famille dans les trois pays du Maghreb, c’est moi qu’on aurait dû nommer secrétaire général de l’UMA). Bref.
– Allô, Rachid, mes condoléances, vous avez vaillamment joué, mais
– Mes condoléances toi-même. C’est nous qu’on a gagné. Tu entends le bruit de la fête ?
Il éloigne le combiné de son oreille et j’entends maintenant des clameurs, des youyous et des coups de klaxon.
– Mais alors, Rachid, j’ai eu une hallucination, j’ai cru voir à la télé le Maroc l’emporter par 3 buts à 1.
– Tu retardes, l’ami, les joueurs marocains étaient dopés et c’est l’Algérie qui s’est qualifiée au prochain tour.
– Bon, eh bien, félicitations. Et maintenant, je te quitte car j’ai besoin d’aller pleurer un bon coup.
Renseignements pris, cette rumeur totalement infondée s’est répandue dans toute l’Algérie. Des scènes de liesse ont gagné toutes les villes, rappelant les mêmes scènes de joie vécues un certain jour de juin de 1982, juste après le match Algérie-Autriche, perdu sur la pelouse mais gagné, voulait-on croire, sur tapis vert. Je me rappelle aussi un Maroc-Zaïre du temps que j’étais gamin comme c’est loin tout ça perdu par 3-0 ou 4-0, mais dont la rumeur avait inversé le score. Nous avions fêté tard dans la nuit notre triomphe avant que le résultat du match ne vînt ternir notre joie.
Broutilles que tout cela ? Pas du tout. Des centaines d’historiens ont essayé de répondre à la question : qu’est-ce qui est arrivé aux Arabes, pourquoi sont-ils descendus si bas après avoir été à la pointe de la science et de la philosophie ? Et si la réponse était l’incapacité d’accepter la réalité, le refus de ce qui crève les yeux, le besoin fou de croire en des chimères ? On perd un match ? Réjouissons-nous, nous l’avons gagné. Les chars américains sont au cur de Bagdad ? Les Américains sont en déroute, nous avons gagné la guerre. Les Russes volent vers Mars, les Chinois visent la Lune ? Oui, mais nous, on ira au paradis.

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