Etudiants sous surveillance

Les universitaires originaires du Maghreb et du Moyen-Orient ont de plus en plus de difficultés à rejoindre les États-Unis pour leurs cursus et leurs travaux scientifiques.

Publié le 17 février 2004 Lecture : 3 minutes.

Les États-Unis ont renforcé, depuis les attentats du 11 septembre 2001, de manière draconienne les conditions d’entrée sur leur territoire. Plus qu’une simple démarche, c’est aujourd’hui un exploit d’obtenir un visa d’études américain dans le climat de mobilisation sécuritaire et de guerre préventive instauré par l’administration Bush.
Un nouveau pas a été franchi le 1er août 2003. Tous les étrangers qui demandent un premier visa étudiant sont dorénavant soumis à une nouvelle réglementation. Une fois munis d’un formulaire I-20, délivré par l’établissement d’enseignement où ils souhaitent s’inscrire, les candidats doivent être entendus par un agent consulaire américain de leur pays. Or la communication téléphonique pour la prise de rendez-vous est facturée en moyenne 15 euros, une somme que vous devez repayer si la communication est malheureusement coupée ou que vous devez réitérer votre appel.
Ibrahim, un Français d’origine maghrébine, prétend ainsi avoir déboursé une cinquantaine d’euros avant de renoncer : « Je suis découragé. À chaque fois, les agents du consulat me demandent de rappeler, mais je ne parviens toujours pas à décrocher le fameux entretien. »
Pour ceux qui arrivent à franchir cette étape téléphonique, le délai d’attente pour la rencontre avec l’agent de l’ambassade ou du consulat peut aller de deux jours à plus de cinq semaines selon les pays. Lors de l’entretien, les questions des agents sont assez déconcertantes. Exemples : « Savez-vous manier une arme ? Appartenez-vous à une organisation criminelle ? » Cette pratique n’est toutefois pas nouvelle, l’administration américaine a toujours eu recours à ce mode de questionnement très direct depuis la guerre froide. De nouvelles questions ont toutefois été ajoutées comme « Savez-vous piloter un avion ? ».
En fait, les visas sont distribués au compte-gouttes depuis le 11 septembre 2001, et les agents consulaires américains font preuve d’une grande sévérité à la demande des autorités. Le taux de rejet des demandes a augmenté chez les étudiants. Le constat est sensiblement le même chez les chercheurs invités à travailler sur les campus. L’ambassade américaine à Paris ne souhaite faire aucun commentaire sur le sujet.
Selon l’Institute of International Education, aux États-Unis, qui recueille des données sur l’enseignement et la formation, les étudiants arabes ou de confession musulmane sont particulièrement touchés par le renforcement de la réglementation américaine. Depuis septembre 2001, l’Iran, l’Irak, la Syrie, le Soudan et le Liban ont vu le nombre de visas étudiants délivrés à leurs ressortissants baisser de plus de 60 %. Gordon Adams, directeur des études stratégiques à l’université George-Washington, approuve les dispositions en vigueur : « La sécurité nationale prévaut, et ces dispositions restent légitimes, même si c’est un coup dur porté à l’image des États-Unis, pays épris de liberté ! »
Nicole Bernheim, ancienne correspondante du quotidien français Le Monde à New-York, dénonce, quant à elle, la politique gouvernementale : « Aux États-Unis, il est aujourd’hui plus facile d’être manoeuvre mexicain que chercheur marocain ! À terme, c’est très grave, les Américains paieront le prix de cette paranoïa sécuritaire. »
Parallèlement à ces mesures, le gouvernement américain a mis en place un nouveau système de base de données informatisée appelé Sevis [Student and Exchange Visitor Information System] pour contrôler le déplacement des étudiants sur l’ensemble des États-Unis. Cet outil, géré par le ministère de la Sécurité du territoire, exige que vous communiquiez l’adresse de votre lieu de résidence dans les vingt jours qui suivent la date officielle du début des cours sous peine de vous faire exclure du territoire. L’administration américaine a demandé aux universités du pays de transmettre ces informations pour les étudiants étrangers en cours de cursus. Big Brother is watching you !

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