L’État du Sénégal perd face à Bibo Bourgi devant le tribunal arbitral de l’ONU

La Direction générale des impôts et domaines vient de mettre en vente les appartements dakarois du complexe Eden Roc de Bibo Bourgi. Ses avocats affirment cependant que ces immeubles auraient été confisqués « illégalement », s’appuyant sur une sentence arbitrale rendue fin 2019 par la commission de l’ONU pour le droit commercial international et jusque-là tenue secrète.

La cour de justice de Dakar au Sénégal. © Mehdi Ba pour JA

La cour de justice de Dakar au Sénégal. © Mehdi Ba pour JA

Publié le 21 juillet 2020 Lecture : 3 minutes.

Publié le mardi 21 juillet à 15 heures, cet article a été mis à jour le 22 juillet à 13h30.

L’arrêt rendu par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) en mars 2015 a-t-il mené à la confiscation « illicite » des biens appartenant à Ibrahim Aboukhalil, alias Bibo Bourgi ? C’est ce qu’a affirmé dans un communiqué son avocate Corinne Dreyfus-Schmidt, ce 20 juillet, à la veille de la mise en vente des appartements Eden Roc, situés dans le centre-ville de Dakar.

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Bibo Bourgi avait été condamné par la CREI en 2015 pour complicité d’enrichissement illicite aux côtés de Karim Wade. Confisqués à son propriétaire par l’État du Sénégal, ces appartements viennent d’être mis en vente par la Direction générale des impôts et domaines.

Décision exécutoire

Leur confiscation a toutefois été jugée illégale, selon un règlement d’arbitrage de la commission des Nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI) rendu le 24 octobre 2019. Selon nos informations, la décision évoque un déni de justice et condamne l’État du Sénégal à de lourds dommages et intérêts en raison du préjudice subi par Bibo Bourgi.

« Le tribunal a constaté le caractère illicite de l’arrêt de la CREI engageant la responsabilité de l’État du Sénégal et l’obligeant à réparer le dommage en résultant subi par M. Aboukhalil [Bibo Bourgi] », en attente de cette indemnisation, a fait savoir son conseil. Cette décision exécutoire n’a pas été respectée par le Sénégal.

La sentence du tribunal a d’ailleurs été contestée devant la Cour d’appel de Paris, selon l’avocat du Sénégal Simon Ndiaye, qui conteste la compétence de l’instance arbitrale et considère que « le Sénégal n’a donc pas à payer de dommages et intérêts tant que [sa] requête n’a pas été examinée ».

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« Le tribunal arbitral a estimé que la manière dont le procès s’était déroulé n’est pas conforme au droit international et demande réparation, mais il a rejeté la demande de restitution des appartements Eden Roc », avance-t-il, estimant que la démarche de la partie adverse « vise uniquement à faire peur à ceux qui voudraient [les] acheter ».

« Confiscation illicite »

« Le point décisif, que l’État du Sénégal ne saurait contester, c’est qu’il a été condamné par une juridiction internationale en raison du procès fait à M. Aboukhalil devant la CREI, déclare à JA Me Corinne Dreyfus-Schmidt. Or le Sénégal avait accepté de se soumettre à la juridiction arbitrale compétente et il est établi que cette sentence internationale s’impose à lui nonobstant tout recours en annulation. La réparation du déni de justice commis à l’encontre d’Ibrahim Aboukhalil est donc désormais une obligation internationale pour le Sénégal », ajoute l’avocate.

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Dans son communiqué, elle invite ainsi les éventuels acquéreur de ces appartements, selon elle expertisés à 980 millions de francs CFA l’unité en moyenne, à se « renseigner sur la teneur de cette sentence arbitrale ». « Ils pourront ainsi vérifier que l’État sénégalais a procédé à une confiscation illicite de ces appartements et apprécier les conséquences de cette qualification sur le titre de propriété qu’ils envisageraient d’acquérir », fait savoir Me Corinne Dreyfus-Schmidt.

Cette décision de la CNUDCI représente un nouveau désaveu pour la CREI. En février dernier, le tribunal de première instance de Monaco avait en effet débouté l’État du Sénégal de sa demande de saisie de 24 comptes bancaires appartenant à Karim Wade, Ibrahim Aboukhalil, son frère Karim Aboukhalil et Mamadou Pouye, au titre des dommages et intérêts auxquels la justice sénégalaise avait condamné les quatre hommes. Une décision similaire à celle rendue dans le cadre d’une procédure pénale en 2018.

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