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Le FMI pourrait permettre au pays de bénéficier d’une annulation de près de 70 % de sa dette extérieure. Si le gouvernement démontre qu’il gère la filière pétrolière de manière plus transparente que par le passé.

Publié le 16 février 2004 Lecture : 3 minutes.

Les experts du Fonds monétaire international (FMI) ont posé leurs valises à Brazzaville le 5 février, en vue d’une nouvelle revue des comptes de l’État congolais. C’est sans doute l’une des dernières chances qui s’offre aux autorités de convaincre l’institution de conclure un accord triennal pour la réduction de la pauvreté et de la croissance. Un sésame qui permettrait au pays d’accéder à l’initiative PPTE (Pays pauvres très endettés).
L’enjeu est de taille : la dette du pays est évaluée à 6,5 milliards de dollars, soit 193 % du PIB et 235 % des recettes d’exportation. Une éventuelle annulation concernerait près de 69 % des sommes dues aux bailleurs de fonds.
Au préalable, les pouvoirs publics devront faire la démonstration qu’ils ont instauré une certaine transparence dans la gestion de la filière pétrolière. En octobre 2003, la dernière mission du FMI au Congo s’était soldée par un échec, les experts reprochant notamment au gouvernement l’opacité des transferts de revenus entre la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC) et le Trésor public.
« Au Congo, la gestion du pétrole a toujours été une affaire réservée. Ce secteur alimente le budget de l’État mais aussi la SNPC, qui dispose de sa propre cagnotte. Celle-ci a récemment servi à financer la construction de routes et diverses opérations dans le cadre du processus de réconciliation, mais aussi des dépenses plus opaques », estime un proche du dossier. Les gestionnaires de la manne pétrolière auraient donc le plus grand mal à se débarrasser de leurs vieilles habitudes.
« Dans l’entourage du président Denis Sassou Nguesso, certains clans restent attachés à une gestion patrimoniale alors que d’autres sont favorables à une administration transparente de la filière », ajoute la même source. De fait, plusieurs conseillers à la présidence considèrent que le FMI n’est pas habilité à s’immiscer dans les affaires intérieures du pays et rappellent que le Congo, dès la fin de la guerre civile, est parvenu à payer ses fonctionnaires alors que toute aide extérieure était suspendue. Ils conseillent aux institutions de Bretton Woods de commander un audit des compagnies pétrolières occidentales installées au Congo plutôt que de fouiller dans les comptes de la SNPC. D’autres, au ministère des Finances, soulignent la nécessité d’obtenir rapidement une remise de la dette pour pouvoir consacrer des sommes importantes à la reconstruction et au développement.
À Brazzaville et à Pointe-Noire, les différentes Églises et la société civile maintiennent la pression sur les pouvoirs publics et la communauté internationale. La coalition est constituée de l’Observatoire congolais des droits de l’homme (OCDH), de l’Association des chrétiens pour l’abolition de la torture, de la fondation Niosi, de la Commission justice et paix de l’Église catholique et de l’ONG protestante Pour l’action évangélique et pour la paix. Grands artisans de la campagne Publish what you pay [« Publiez ce que vous payez »], ils demandent aux autorités d’adopter une loi sur la gestion des revenus des hydrocarbures, de lever la clause de confidentialité dans les contrats pétroliers et de publier les résultats de l’audit de la SNPC réalisé en 2003 par le cabinet américain KPMG. Le gouvernement et la Banque mondiale seraient actuellement en pourparlers en vue de la publication de ce document.
Soutenue par les ONG du Nord, la coalition a par ailleurs écrit, en septembre 2003, à Rigobert Roger Andely, le ministre congolais des Finances, ainsi qu’aux compagnies pétrolières opérant dans le pays (Total, ENI, Chevron, Zetah M.P.), pour réclamer la publication des sommes versées par ces sociétés au gouvernement. En vain, pour le moment.
Avec 300 000 barils/jour, la République du Congo est le troisième producteur de pétrole d’Afrique subsaharienne. Pourtant, après l’échec de la transition démocratique (1990-1993) et trois guerres civiles (1993,1997,1999), les conditions de vie de la population n’ont cessé de se dégrader : 70 % des Congolais vivent en dessous du seuil de pauvreté.

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