Réalisme à l’ivoirienne

Publié le 16 janvier 2006 Lecture : 2 minutes.

Je ne sais pas comment l’Afrique peut se passer depuis si longtemps de la Côte d’Ivoire. Je ne sais pas, d’ailleurs, comment la Côte d’Ivoire peut se passer d’elle-même depuis la mort d’Houphouët. Comment ce pays qui avait su sortir de la pauvreté, projeter l’image d’une autre Afrique, s’enrichir de ses différences ethniques, a-t-il pu sombrer si vite dans la presque guerre civile ? Certains pensent que tout cela était factice, que l’unité et la prospérité « houphouétienne » étaient déjà fondées sur des schémas de domination. Peut-être, mais, dans ce domaine, la Côte d’Ivoire n’avait rien d’exceptionnel. Et, franchement, on s’y trouvait mieux qu’ailleurs.

Je crois surtout que les enfants du Vieux, les légitimes comme les illégitimes, n’ont pas été à la hauteur de l’héritage. Je crois que ceux qui lui ont succédé ont perdu de vue l’axiome qui fondait la force du pays. Sa pluriethnicité, son ouverture sur ses mondes intérieur et extérieur. Par égoïsme, la Côte d’Ivoire a succombé à la haine du frère et du voisin. Comment comprendre que les Ivoiriens, les élites, les cadres, les étudiants aient pu accepter cette descente aux enfers sans broncher ? Qu’ils aient pu penser que la bataille en valait la peine, que l’identité prévalait sur tout. Bataille suicidaire. L’identité a failli tuer la Côte d’Ivoire, justement parce que la Côte d’Ivoire a plusieurs identités.
On a touché plusieurs fois le fond. Et pourtant, pour la première fois depuis des années, je crois que l’on peut faire preuve, raisonnablement, d’optimisme. Je crois que la Côte d’Ivoire entame enfin, lentement, très lentement, mais sûrement, sa sortie de crise.

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Un, les Ivoiriens sont fatigués. Le combat politique a provoqué un délabrement économique général. Bien sûr, il y a quelques grottos qui s’enrichissent, mais tous les lambdas se sont appauvris. La Côte d’Ivoire a été suffisamment riche pour survivre à plus de six ans de crise fratricide. Mais on a épuisé les réserves. Chaque jour qui passe accélère le processus de tiers-mondisation.
Deux, le monde et l’Afrique sont fatigués, eux aussi, de cette crise interminable. Les partenaires occidentaux, la France, les États-Unis, sans parler des bailleurs de fonds, personne n’ira au-delà du délai d’un an pour l’organisation d’une élection. La communauté internationale fera pression pour obtenir ce résultat. Et ceux qui tenteront de freiner le processus seront marginalisés.
Trois, je crois que les élections auront lieu parce que les principaux candidats à la présidentielle sont persuadés de l’emporter. Laurent Gbagbo, Henry Konan Bédié et Alassane Ouattara ont tous une forte chance d’être élus… Enfin, les gens de la rébellion ont besoin de sortir du ghetto, de s’installer dans la vie politique, de prospérer…
Bref, dans cette demi-guerre presque silencieuse, la victoire est exclue. Il faut donc s’entendre. La paix se fera, faute de mieux.

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