Prime aux sortants

Pourquoi le président Compaoré a-t-il gardé son Premier ministre et reconduit vingt-deux ministres dans son nouveau gouvernement ?

Publié le 17 janvier 2006 Lecture : 3 minutes.

La nomination du nouveau gouvernement burkinabè, le 6 janvier, n’a rien eu du grand chambardement attendu, bien au contraire. Démissionnaire quarante-huit heures plus tôt avant d’être reconduit dans ses fonctions, le Premier ministre sortant Ernest Paramanga Yonli a constitué une équipe à peine plus élargie que la précédente. Elle compte 34 ministres, au lieu de 31 auparavant. Rien de bien nouveau non plus au niveau de sa couleur politique : 31 membres du nouveau cabinet appartiennent au Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), le parti du président. Ses partenaires de l’Alliance pour la démocratie et la fédération/ Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA, ex-figure de proue de l’opposition ralliée à Blaise Compaoré) et de l’Alliance de la mouvance présidentielle (AMP) n’obtiennent, eux, que trois portefeuilles pour toute récompense à leur soutien lors de la campagne présidentielle du mois de novembre 2005. La majeure partie des ministres présents dans l’ancien gouvernement est, du reste, encore en poste : 22 conservent leur place. Difficile, enfin, de parler d’une quelconque féminisation de l’exécutif : les maroquins confiés à des femmes passent de quatre… à cinq.
Pour les Burkinabè, le fait le plus marquant de ce changement d’équipe réside, du coup, dans le renouvellement du bail d’Ernest Paramanga Yonli à la primature. Du fait de sa longévité à ce poste – il l’occupe depuis le mois de novembre 2000 -, nombreux étaient ceux qui, à Ouagadougou, s’attendaient à le voir passer la main. Plusieurs noms de potentiels candidats à sa succession avaient d’ailleurs filtré dans la presse locale. Mais peut-être le président Compaoré a-t-il tout simplement conservé son Premier ministre parce qu’il était satisfait de son bilan. Et des prochaines échéances électorales qui se profilent à l’horizon…
Yonli peut se targuer d’avoir remis le Burkina sur les rails, alors qu’il l’avait trouvé dans une situation de grande instabilité. À son arrivée, le pays était secoué par des grèves étudiantes à répétitions et connaissait une conjoncture économique délicate. Sans compter les vagues provoquées par l’affaire Norbert Zongo, du nom du directeur de la publication du journal L’Indépendant assassiné en décembre 1998…
À l’inverse, depuis qu’il est aux affaires, le climat social s’est apaisé dans le pays. Le Faso a réussi à absorber sans heurts le retour sur son territoire de près de un million de ses ressortissants fuyant la crise ivoirienne. Le taux de scolarisation est passé de 43 % en 2001 à 57 % l’an dernier. L’économie nationale a également renoué avec un certain dynamisme, malgré l’envolée des cours du pétrole de ces derniers mois et la réduction de l’activité du port d’Abidjan. Depuis 2000, le taux de croissance burkinabè s’est élevé, en moyenne, à 5,5 %, atteignant même un pic de 8 % en 2003, alors qu’il tournait à 2,2 % en 2000. L’inflation a, elle, été maintenue en dessous du seuil de 3 % pendant la période. En 2005, le pays est, par ailleurs, devenu le premier producteur africain et le cinquième exportateur mondial de coton. Bien sûr, rien ne dit que la politique du Premier ministre soit à l’origine de la bonne santé de tous ces indicateurs. Mais force est de constater que la concomitance entre le passage d’Ernest Paramanga Yonli à la tête du gouvernement et le redressement de la conjoncture a joué en sa faveur.
D’autant que celui-ci a également à son actif d’avoir encadré la politique de décentralisation nationale, qui prévoit notamment l’autonomie financière des collectivités territoriales. Et peut faire valoir la bonne image dont il jouit auprès des bailleurs de fonds internationaux, qui ont dégagé, en 2005, 183 milliards de F CFA pour le pays.
Reste aussi que le choix fait par le président de laisser à son poste ce Gourmantché de l’est du pays n’est pas sans présenter quelque avantage. Bureaucrate issu du sérail, encore jeune de surcroît (50 ans) mais sans ambitions personnelles affichées, il présente l’avantage de bien connaître les dossiers en cours. Un avantage précieux à quelques mois seulement de deux échéances cruciales pour Blaise Compaoré, qui vient d’être reconduit à la tête de l’État : les élections municipales de mars 2006, suivies des législatives du mois de mai 2007. Ernest Paramanga Yonli leur survivra-t-il à son poste ?

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