Nepad : de l’intégration « par le bas »

Publié le 16 janvier 2006 Lecture : 3 minutes.

Jamais le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad) n’a autant fait l’objet d’opinions contradictoires. Ses détracteurs pensent que sa dynamique s’essouffle, ses partisans, que la communauté internationale devrait accroître les moyens nécessaires à sa mise en oeuvre.
En Afrique de l’Ouest, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) est l’organe chargé de la coordination et du suivi de la mise en oeuvre du Nepad. Au sein de la Cedeao, l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) entreprend un certain nombre d’actions opérationnelles. Pour donner quelques illustrations de sa mise en oeuvre, considérons deux volets importants : celui touchant au renforcement des institutions et de la gouvernance politique, et celui relatif à la croissance et à la réduction de la pauvreté.
S’agissant du premier volet, les actions qui ont le plus d’effet sont celles qui touchent directement les populations civiles : mise en place des comités de lutte contre le trafic des enfants et promotion des droits des mineurs dans les pays côtiers ; création de cliniques juridiques pour sensibiliser les populations aux droits humains ; utilisation des médias pour des campagnes vidéo dans des zones rurales sur les mauvaises pratiques qui touchent les femmes ; réformes envisagées des systèmes juridiques et pénitentiaires. On observe ainsi des avancées significatives dans le domaine des droits humains. En revanche, si l’on considère la gouvernance, les résultats apparaissent plus mitigés. Certes, des avancées de démocratie sont visibles. Mais elles ne sont pas irréversibles. Plusieurs éléments en témoignent : la Cedeao rencontre des difficultés pour résoudre la crise ivoirienne ; le dialogue politique entre le gouvernement et l’opposition n’a pas encore repris au Togo ; la presse subit des tracasseries dans certains pays de l’Union. En outre, la lutte contre le blanchiment des capitaux progresse lentement, mais la corruption continue à dégrader le climat des affaires et l’Uemoa n’a pas encore réussi à mettre en oeuvre son programme de revue par les pairs.
Si l’on s’intéresse au volet économique du Nepad, les actions menées dans la zone Uemoa visent essentiellement à promouvoir le secteur privé en améliorant l’environnement des affaires et en développant les infrastructures. Les États membres ont adopté un code des investissements très avantageux pour les investisseurs privés ; des efforts importants sont faits en ce qui concerne la diffusion de l’information sur les opportunités d’affaires dans la zone avec le développement du site Investir en zone franc (IZF) ; l’Union a un ambitieux programme d’infrastructures et de facilitation des échanges à travers le programme économique régional (PER). Mais tous ces projets ne peuvent être opérationnels que s’ils sont internalisés par les populations et les acteurs économiques. Et c’est là que le bât blesse. Le Nepad repose en effet sur une vision globale, voire holiste, du développement, ce qui explique que les acteurs sociaux et économiques peuvent rencontrer des difficultés à s’approprier les projets et les programmes qu’il propose. Or l’intégration n’est pas seulement le fait d’améliorer les échanges entre pays et de les amener à avoir des politiques coordonnées. Elle doit également s’appliquer à des régions ayant le même ciment culturel, les mêmes traditions d’échanges. Dans cette optique, une approche complémentaire à la vision holiste du Nepad est peut-être alors l’intégration « par le bas », c’est-à-dire celle où l’on conçoit des microprojets visant à réhabiliter des points de développement existant déjà, en partant des bassins d’activités et des traditions d’échanges qui recoupent des frontières traditionnelles. Plusieurs structures régionales ont été créées dans ce sens : le Comité inter-États de lutte contre la sécheresse au Sahel (CILSS), l’Autorité du Liptako-Gourma (ALG), qui regroupe trois pays (Burkina, Mali et Niger), l’autorité du bassin du Niger pour la gestion intégrée de l’eau, la Cen-Sad (Communauté des États sahélo-sahariens).
Le schéma intégrateur du Nepad est une oeuvre de long terme, et il faudra sans doute encore quelques années pour tirer un bilan de ses avancées dans la zone Uemoa. Il n’aura les effets positifs escomptés qu’à deux conditions : l’affirmation par les États d’une volonté politique et la mise en oeuvre d’actions concrètes et visibles touchant directement les populations pauvres.

* Professeur des universités (Paris-XII) et conseiller technique à la Commission de l’Uemoa.

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