L’éléphant et les lapins

Pour la première fois, des responsables politiques de premier plan évoquent publiquement l’après-Castro.

Publié le 17 janvier 2006 Lecture : 2 minutes.

Officiellement, la question est tranchée depuis longtemps : après Fidel Castro, ce sera Raúl, son frère, qui prendra les commandes de la Révolution cubaine. C’est le seul homme, dit-on, à qui le Líder Máximo puisse tourner le dos en toute confiance… Il cumule aujourd’hui les fonctions de ministre de la Défense, de premier vice-président et de deuxième secrétaire du Parti communiste. Un verrouillage institutionnel destiné à accréditer l’idée que l’avenir du régime est assuré. Bien sûr, personne n’y croit vraiment. « On ne remplace pas un éléphant par cent lapins », avait répondu Raúl lui-même à des investisseurs étrangers qui s’inquiétaient de l’après-Fidel. Quoi qu’il en soit, à bientôt 80 ans, le Comandante n’a toujours pas cédé la moindre parcelle du pouvoir absolu qu’il exerce depuis quarante-sept ans. Quant à Raúl, il n’est que de cinq ans son cadet…
Or plus le temps passe, plus la pression américaine est forte. Celle de l’administration Bush, bien sûr, mais aussi celle de la communauté cubaine exilée. À Miami, le 20 octobre 2004, une chute malencontreuse de Castro avait provoqué une explosion de joie… Le département d’État s’était borné à déclarer qu’il attendait pour se réjouir « un autre type de chute ». Après le durcissement de l’embargo imposé par George W. Bush, Condoleezza Rice, la secrétaire d’État, a relancé au mois de décembre la Commission pour l’assistance à un Cuba libre, dont la mission est d’aider le « peuple cubain à évoluer rapidement vers des élections démocratiques ».
Dans l’île, l’inquiétude grandit. De quoi demain sera-t-il fait ? Continuité ou chaos ? Durcissement du régime ou retour en force des capitalistes ? C’est dans cette atmosphère de fin de règne que, lors de la dernière session de l’Assemblée populaire nationale (APN), des responsables de premier plan ont enfin osé abordé publiquement (des représentants de la presse étrangère étaient présents), la délicate question de la succession. « Dans l’hypothèse où nous ne parviendrions pas à améliorer les conditions de vie du peuple et à assurer un développement durable, nous courons le risque que ces formidables personnalités [Fidel et Raúl] soient les seuls piliers sur lesquels notre système puisse s’appuyer », a déclaré Francisco Soberón, gouverneur de la Banque centrale et proche conseiller de Fidel. Mais c’est surtout Felipe Pérez Roque, le bouillant ministre des Affaires étrangères, qui a créé la surprise. « Nous devons lutter pour conserver notre invulnérabilité idéologique et politique, s’est-il exclamé. Aujourd’hui, ce n’est pas un problème, nous avons la génération qui a fait la Révolution, nous avons Fidel et Raúl. Avec eux, l’ennemi sait qu’il ne peut pas nous battre. C’est après qu’il place ses espoirs. Il pense que ceux qui viendront après, il pourra les diviser, les acheter ou les intimider. » Et le ministre d’en appeler à un regain de ferveur révolutionnaire. Reste qu’après la standing ovation qui a salué son discours, c’est lui qui apparaît comme la possible relève du vieux Comandante. Il n’a que 41 ans.

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