Leur oeuvre préférée en 2005

Une douzaine de personnalités du monde de la culture nous parlent de leur film, livre ou album de musique favori de l’année écoulée.

Publié le 17 janvier 2006 Lecture : 5 minutes.

Artistes, écrivains, cinéastes, journalistes, hommes et femmes de communication ou chefs d’entreprise… Des figures de proue du monde de la culture évoquent librement et avec émotion une oeuvre qui les a marqués au cours des douze derniers mois. Ils ont eu carte blanche quant au choix de la « nationalité » de leur coup de coeur et de la discipline artistique. Spontanément, la plupart de nos sondés ont privilégié une création africaine.

Yasmine Kassari
Réalisatrice belge d’origine marocaine
Mon coup de cur 2005 est le film Les Saignantes, de Jean-Pierre Bekolo, qui retrace les relations entre l’État et les citoyens camerounais. Il y est question de deux filles qui achètent une place sur le marché en couchant avec un vieux. C’est vraiment un film
surprenant, très beau et très audacieux, mais surtout d’un féminisme rageur !

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Abdourahman A. Waberi
Romancier djiboutien
Il est deux sortes de livres : ceux qui plaisent un temps pour disparaître et ceux qui restent sur les étagères et dans la mémoire des lecteurs. À coup sûr, Verre Cassé (éditions du Seuil), le dernier roman d’Alain Mabanckou, appartient à la seconde catégorie. Le lecteur est emporté par un flot de paroles puissant comme le fleuve Congo. Verre Cassé, le narrateur éthylique, ex-instituteur et pilier de bar, l’emmènera loin, très loin dans un monde digne de Rabelais et de Sony Labou Tansi. On y boit sec, on y
meurt de rire. Le talent est une primevère, une fleur de miracle. Merci Mabanckou.

Olivier Barlet
Président d’Africultures*
Mahaleo, le film de Raymond Rajaonarivelo et Cesar Paes qui nous rend très présent ce
groupe de musiciens malgache, qui ne se prend pas la tête avec le succès. Les Mahaleo accompagnent depuis trente ans leur pays par leur engagement, connaissent aussi les doutes des militants mais conservent une belle énergie que le film nous transmet parfaitement : il nous en donne pour continuer notre action à Africultures ! Je ne cesse depuis d’écouter leur musique et, ainsi, Madagascar m’est plus proche.
* Revue et site des cultures africaines.

Calixthe Beyala
Romancière d’origine camerounaise
J’ai été fascinée par Magnus de Sylvie Germain (Albin Michel). D’abord, par la construction novatrice où passé, présent et futur se mêlent avec subtilité sans bousculer
le lecteur. Ensuite, par les réflexions philosophiques sur la vie, la mort et l’identité de l’être qui émaillent ce récit. Le tout servi par une langue poétique qui ne tombe
jamais dans les facilités de l’écriture moderne. Magnus est aussi une vraie réflexion sur la littérature. C’est pourquoi il m’a bouleversée alors qu’il traite d’un sujet, la
Seconde Guerre mondiale, qui est pourtant assez loin de moi, qui suis d’origine africaine.

Mohamed Bakrim
Président de l’association Aflam*
J’ai eu un coup de cur pour Three Times, de Hou Hsiao Hsien. Comme l’indique son titre, le film est construit en trois temps et autour de trois histoires en rapport à la philosophie du monde. Cette construction est déjà en elle-même un véritable message. Et
puis, il y a cette manière unique de filmer l’amour, la passion, l’apparition du désir
* Antenne marocaine d’Africiné.

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Élizabeth Tchoungui
Journaliste et romancière franco-camerounaise
En musique, j’ai beaucoup apprécié Echoes des Nubians : c’est un très joli album enregistré en live. J’aime la poésie urbaine de ses titres à la fois ancrés dans l’Afrique et ouverts sur le monde.

Gaston Paul Effa
Écrivain camerounais
J’ai eu entre les mains un album à lire de 3 à 77 ans. Il s’agit de Léon et son croco (éd.
Flammarion), de Magdalena et Zaü. C’est une histoire qui plonge le lecteur dans l’univers africain, dans un univers de batik et de couleurs. Léon, le petit héros, se bat contre un
crocodile et finit par le vaincre. À la fin, l’enfant devient charmeur de crocodiles, et son histoire une légende universelle. Preuve qu’à partir d’un détail insignifiant on peut transformer le monde. J’ai été ému aux larmes par cet album, car il apporte le mystique qui manque dans le quotidien.

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Neila Tazi
Directrice de l’Agence A3 Communication*
À Casablanca, les anges ne volent pas, du cinéaste Mohamed Asli, m’a touchée parce qu’il montre subtilement à quel point la course vers la modernité dans les grandes villes, dans
Casablanca, creuse des fossés entre les catégories sociales. Dans certaines scènes du film, les écarts entre le monde rural et la ville sont exaspérants.
* Également directrice du festival Gnawa d’Essaouira (Maroc).

Sami Tchak
Écrivain togolais
Mon coup de foudre est un premier roman, Le Triomphe de Magali, de Califa Ikama, publié par Lemba, une maison d’édition congolaise. J’ai d’abord été impressionné par l’aisance
de cette romancière, âgée de 13 ans seulement. Ensuite, par la structure de ce roman dialogué, à la manière d’une pièce de théâtre. À sa façon, l’auteur bouleverse avec insolence la forme du roman et fait preuve d’une maturité intéressante dans la psychologie de ses personnages qui sont confrontés à l’amour et aux trahisons. C’est impressionnant de noter que certains gamins ont des difficultés à s’exprimer tandis que
Califa Ikama, née en pleine guerre du Congo, a réussi à se construire par l’écriture. Et cela fait chaud au cur.

Saida Churchill
Humoriste d’origine marocaine
Million Dollar Baby, de Clint Eastwood. J’ai plusieurs raisons d’aimer ce film : d’abord,
pour les acteurs, l’interprète principale, et le réalisateur qui, dès la première image, marque le film d’une qualité « grande classe » techniquement et artistiquement. Ensuite, j’ai toujours aimé la boxe, son esthétique, son rapport indissociable avec la misère et les bas-fonds, et sa manière de montrer sans nuance hypocrite le sens réel de la vie.

Patrick Labesse
Journaliste français*
In The Heart Of The Moon, d’Ali Farka Touré et Toumani Diabaté (World Circuit/Night & Day). Admirable broderie musicale quasiment improvisée (trois séances de deux heures, sans répétitions), cette conversation de cordes entre deux sommités de la musique malienne, le guitariste Ali Farka Touré et le joueur de kora Toumani Diabaté, pourrait provoquer un abus de superlatifs, des phrases au lyrisme exalté, tant le plaisir est grand à s’y laisser bercer. Enregistrée dans un studio mobile installé à l’hôtel Mandé, à
Bamako, avec vue plongeante sur le fleuve Niger, la musique de ces deux fins musiciens cajole plus qu’elle ne surprend. On y plonge comme dans une eau accueillante.
* Spécialiste « musiques du monde », collaborateur du journal Le Monde.

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