L’album des 50 ans

En février 2007, la Confédération africaine de football (CAF) atteindra un demi-siècle d’existence. Voici quatre hommes qui ont marqué cette épopée.

Publié le 17 janvier 2006 Lecture : 7 minutes.

Parfois lourde de symboles, indéfectiblement liée à son temps, la Coupe d’Afrique des nations qui fêtera le 10 février 2007 ses cinquante ans, ne saurait être réduite à une litanie d’anecdotes. Elle a réuni des acteurs qui l’ont marquée de leur empreinte mythique. En voici quatre : le meilleur joueur, le meilleur buteur, l’entraîneur le plus titré et le dirigeant des années de braise.

Salif Keita
L’enfant prodige e Bamako
Dominer le ballon est l’une des expressions favorites e Salif Keita. Le bagage de ce grand footballeur st absolument complet. Son registre technique est tendu. Les secrets du dribble, de la feinte, de la asse et du tir des deux pieds ou de la tête ont été
découverts par ce Malien qui possède les moyens de ouer avec brio à n’importe quel poste de l’attaque. l est capable de dérober le ballon à l’adversaire, e relancer le jeu avec clairvoyance, de construire t de terminer l’offensive avec une efficacité irrésistible.
Tel est le footballeur considéré, entre 1965 t 1977, comme le numéro un d’Afrique et qui a
conservé, auprès des connaisseurs, un prestige inégalé. n dehors du Mali, la France est sans doute e pays qui a le plus fêté Salif Keita. L’anecdote de a venue à Saint-Étienne ajoute à sa légende : Quand il est arrivé, il ne connaissait personne, raconte ‘ancien international Georges Carnus. Trois ours plus tard, il joue avec les amateurs et plante
six buts ! Ensuite, il débute avec les pros face à Monaco t marque. Plus tard, on affronte Lille sur un errain enneigé. C’était la première fois qu’il voyait e la neige. Il a été le seul à ne pas tomber ! »
De Saint-Étienne, où il a confirmé, de 1967 à 1971, son talent et sa personnalité, à Boston, où il a achevé sa carrière professionnelle, via l’OM, le FC Valence, en Espagne, et le Sporting du Portugal, Salif se forge une formidable expérience. Il lui aura manqué un titre africain : quatre finales jouées, quatre perdues.
Premier Ballon d’or africain en 1970, membre de la sélection d’Europe en 1975 aux côtés d’Eusebio et de Johan Cruyff, oscar des oscars français en 1971, deuxième meilleur buteur européen en 1971 avec 42 réalisations, le palmarès du Malien est impressionnant. Rentré à Bamako en 1985, Salif a édifié un hôtel sur les bords du Niger et créé un centre de formation de jeunes footballeurs qui porte son nom. Il est, depuis juin 2005, président de la fédération malienne. Il est aussi candidat à un poste au comité exécutif de la Fifa où il espère retrouver Michel Platini. Son ambition : mettre son savoir-faire et ses connaissances au service du ballon africain.

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Laurent Pokou
Classe Goleador
Janvier 1968, Addis-Abeba accueille la VIe Coupe d’Afrique. Le onze de Côte d’Ivoire est opposé à celui d’Algérie. À trois reprises, le numéro 9 ivoirien s’en va expédier la balle au fond de la cage : 3 à 0 ! Sur les ondes, dans les dépêches des envoyés spéciaux,
un nom est en relief : Laurent Pokou. Il inscrira six buts. Janvier 1970, Khartoum abrite la phase finale de la VIIe CAN. L’Ivoirien porte son total à quatorze buts en deux éditions, un record qui résiste depuis trente-six ans à tous les assauts et qui ne sera jamais égalé. Quoi qu’il arrive, Pokou passera à la postérité comme l’archétype du goleador africain.
Laurent Pokou est né le 8 août 1947 à Abidjan. À 6 ans, il « fréquente » l’école du ballon dans les terrains vagues d’Anoumabo. À 9 ans, un recruteur de l’Asec le repère. Il entre dans la famille des « Mimos » (la couleur de l’Asec est le jaune du mimosa). En janvier 1968, il est l’avant-centre de l’équipe de Côte d’Ivoire. En 1971, gravement blessé au genou, il est arrêté sept mois. En juin 1972, il retrouve Abidjan et boucle brillamment la saison. L’année suivante, il signe avec le Stade rennais. Sa carrière chez les pros sera mouvementée. À Rennes, ses exploits ont bâti son histoire internationale. Le
club fond vers l’étage inférieur. Il inscrit sept buts en treize rencontres et sauve le Stade de la relégation, mais il ne peut rien l’année suivante. En novembre 1975, c’est le genou droit qui cède. Deux opérations. Une rentrée discrète et ce sont les adducteurs
qui lâchent.
En août 1977, remis de ses blessures et libre de tout contrat, Pokou signe à l’AS Nancy Lorraine, époque Michel Platini. La malchance le poursuit. Un claquage musculaire et une maladie d’origine virale l’éloignent des stades pendant plus de dix mois. Il revient en Bretagne. Il se dévoue sans compter. Décembre 1978, le Stade joue en Coupe de France à Saint-Pol-de-Léon. Pokou est la cible d’adversaires agressifs. Il s’en plaint à l’arbitre. Carton jaune. Il proteste. Carton rouge. Il se rebiffe. Deux ans de suspension.
Il fait appel : la peine est réduite à six mois plus dix-huit de sursis. Sa carrière est brisée net. Le « Duc de Bretagne » repart en Côte d’Ivoire. À 33 ans, il est encore bon pour le service. Il est retenu en sélection pour Nigeria 1980. Sa quatrième CAN est sans éclat. L’Afrique perd sa force de frappe.

Nana C.K. Gyamfi
Le bâtisseur du Black Star
Le nom de Charles Kumi Gyamfi, plus connu en Afrique de l’Ouest par ses initiales C.K. (prononcez en anglais Cee Kay), est associé au football du Ghana depuis l’indépendance de ce pays en 1956. Gyamfi a été certainement, avec le « Révérend » Osei Kofi et Abedi Pelé, l’un des plus grands attaquants ghanéens de tous les temps.
Né le 4 décembre 1929, C.K. rejoint à 18 ans les Accra Argonauts, qu’il quitte pour les Sailors de Koforidua. Il est ensuite recruté par les Cape Coast Mysterious Dwarfs avant de rejoindre en 1949 l’opulent Asante Kotoko de Kumasi. En 1951, il fait partie d’une sélection qui effectue une tournée en Grande-Bretagne. Avant-centre, il marque 12 buts. En 1953, il est élu meilleur sportif de l’année. En 1956, il est le capitaine de la première sélection nationale du Ghana. En 1960, son pays l’envoie effectuer un stage de technicien auprès du Fortuna Dusseldorf, qui l’embauche comme joueur professionnel. De retour à Accra, il est nommé assistant de l’entraîneur hongrois Josef Ember. En 1962, il affronte avec le Black star le prestigieux Real Madrid d’Alfredo Di Stefano (3-3). C’est son dernier match international. Il est désormais sélectionneur national.
Sous sa direction, le Ghana gagne la West Africa Gold Cup puis conquiert, devant son public, la IVe Coupe d’ Afrique des nations. En 1964, C.K. conduit le Black Star aux Jeux de Tokyo, et en novembre 1965, à Tunis, il le dirige lors de la Ve CAN. Le onze ghanéen réussit un doublé historique après avoir dominé en finale la Tunisie (3-2). La légende du Black Star est née. Invités à Nairobi, les hommes de Gyamfi infligent 13 buts aux Harambee Stars !
Le coup d’Etat de février 1966 freine son ascension. C.K. doit céder son poste, et ce sont ses propres disciples qui prennent le relais. En 1972, puis en 1973, la CAF le charge d’encadrer, avec l’Algérien Rachid Mekhloufi, la section d’Afrique au Brésil puis au Mexique. Après, c’est une longue traversée du désert. Fin 1981, Jerry Rawlings accède au pouvoir. Il rappelle Gyamfi et lui confie l’encadrement du Balck Star qui doit disputer la XIIIe CAN en Libye. C.K. bâtit une équipe équilibrée et conquérante qui effectue un parcours sans faute et remporte le trophée continental aux dépens de la Libye. C’est la quatrième couronne du Ghana, qui révèle à la planète le talent d’un surdoué : Abedi Pelé.
Après le triomphe de Tripoli, C.K. devient professeur de football, parcourt le continent, participe aux groupes d’études techniques de la CAN et de la Coupe du monde. En 1998, il est fait nana (« chef traditionnel ») dans son village natal.

Yidnekatchew Tessema
Le père du football africain
Mercredi 19 août 1987, Addis-Abeba est en deuil. Yidnekatchew Tessema a terminé à l’aube le match de sa vie. Il avait 66 ans et régnait, depuis le 22 février 1972, sur un « empire », la Confédération africaine de football (CAF). Yidnekatchew (« Celui qui émerveille » en amharique) Tessema est né le 11septembre 1921 à Jimma, dans le sud-ouest de l’Éthiopie. Son père, Tessema Eshete, poète, lui transmit le goût des lettres. Il apprit le français et l’italien et décrocha, en 1941, un poste de traducteur au ministère
de l’Éducation. Footballeur surdoué, il s’engagea avec le Saint-George d’Addis-Abeba, le club de sa vie dont il porta les couleurs durant vingt-trois ans. Excellent dribbleur, il rejoignit la sélection d’Éthiopie, dont il fut le capitaine de 1948 à 1954. Esprit d’avant-garde, haut fonctionnaire, il entame à partir de février 1957 une fulgurante percée internationale. Cofondateur de la CAF (et de la Coupe d’Afrique, nées toutes deux en février 1957 à Khartoum), il en est successivement vice-président puis président. La Fifa l’accueille dans son comité exécutif de 1966 à 1972. Dirigeant olympique, il est coopté en 1971 par le CIO.
De 1957 jusqu’à sa mort, Tessema est la pyramide de la CAF. Sa force tranquille. Fin et ouvert, il savait écouter, comprendre et répondre avec une touche d’humour. Politicien habile, panafricaniste militant et tiers-mondiste convaincu, il s’y connaissait pour désamorcer les crises et dénouer les conflits. Ses prises de position ont toujours témoigné de la passion sincère qu’il portait au football dont il suivait pas à pas l’évolution technique. Patron de la CAF, il exerçait pleinement toutes ses responsabilités et écrasait de sa forte personnalité tous ses pairs. Il refusa toute
ingérence et préserva l’indépendance de la CAF, dont il fit une institution crédible et respectée. Sa volonté d’autonomie le conduisit maintes fois à en découdre avec les présidents de la Fifa. Ses idées ont fait leur chemin même si son testament politique n’a pas résisté aux égoïsmes des uns et aux concessions des autres. Tessema, c’était vraiment les années de braise de la CAF.

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