Images d’Afrique à Bamako

Des photographes en herbe du Mali aux « anciens » du Soudan, l’éventail des artistes présentés était large aux Rencontres africaines.

Publié le 16 janvier 2006 Lecture : 3 minutes.

Avec une quinzaine d’expositions, des ateliers, des projections dans les quartiers, des débats, une cérémonie de remise de prix et l’édition d’un catalogue, les VIes Rencontres africaines de la photographie de Bamako n’avaient rien à envier aux manifestations culturelles européennes. Il n’en demeure pas moins qu’au lendemain du 10 décembre 2005, date à laquelle se sont refermées les portes de la biennale, la réalité africaine a repris ses droits. Ici, pas de revues pour imprimer les portraits sur papier glacé, pas de galeries d’art non plus, et pas de magazines susceptibles de donner du travail aux reporters. Que reste-t-il donc de ce tourbillon d’images une fois la fête terminée ? C’est tout le problème. Force est de constater, en tout cas, qu’à l’instar du Festival panafricain de cinéma de Ouagadougou (Fespaco), les rencontres de Bamako font tout, elles aussi, pour créer en Afrique une dynamique professionnelle. C’est dans cet esprit qu’a été créée la Fondation africaine de la photographie, et qu’une partie des agrandissements exposés cette année dans les musées de la ville ont été réalisés sur place par les meilleurs élèves du Centre de formation professionnelle en photographie (CFP), que dirige Youssouf Sogodogo. Impressionné par la qualité de ce travail, le photographe malien Malick Sidibé, l’une des figures tutélaires de la biennale, songe maintenant à faire appel au CFP pour l’agrandissement de ses clichés anciens qu’il confiait jusqu’à présent à un laboratoire parisien.
Autre mission importante de la biennale : la mise en valeur du patrimoine. Souvent oubliées, voire négligées, les archives africaines sont pourtant riches de documents d’une valeur à la fois artistique et historique. On a pu le constater avec l’exposition consacrée au Sud-Africain d’origine indienne Ranjith Kally, aujourd’hui âgé de 80 ans, dont le travail constitue un témoignage inestimable sur la vie quotidienne au pays de l’apartheid depuis les années 1940 jusqu’aux années 1970. On l’a vu également avec Documents spontanés : 1935-2002, impressionnante rétrospective de l’histoire moderne du Soudan à travers les clichés de douze photographes regroupés au sein de l’association El-Nour (« La lumière », en arabe). Créée en 2003 à l’initiative du photographe français Claude Iverné, El-Nour a pour vocation de faire connaître les photographes soudanais actuels et d’arracher à l’oubli les images du passé (elnour@elnour.com). C’est dans le même esprit qu’un hommage a été rendu au Zimbabwéen John Mauluka (1932-2003), l’un des pionniers du photojournalisme en Afrique, dont les années de reportage ont contribué à documenter, parfois avec humour, la condition des Noirs au Zimbabwe, au Malawi et en Zambie. À l’autre bout de la chaîne, il y avait les workshops. Ces ateliers ont permis à des dizaines de jeunes photographes – de Brazzaville, de Pointe-Noire, de Ouagadougou ou de Libreville -, enthousiastes mais souvent dépourvus de moyens, de travailler sur un thème et d’exposer leurs oeuvres au musée des Archives nationales. Faute de pouvoir citer ici tous ceux qui, du Maghreb jusqu’au sud de l’Afrique, ont accroché leurs images aux murs de Bamako, signalons enfin que cette année, grâce aux efforts de l’Academy for Educational Development (AED), vingt-deux enfants des villages de Kamy et Kouara (région de Tominian), âgés d’à peine 13 ou 15 ans, ont pu s’initier à la photographie dans le cadre du projet « Visual Griots ». Après deux mois de prises de vue réalisées au sein de leur proche environnement, ils ont donné à voir une exposition collective qu’a accueillie l’association Seydou Keita. Le résultat est étonnant. Rigueur des cadrages, jeu d’ombres et de lumière, humour et tendresse : on en ressort avec la conviction qu’à Bamako la photographie a encore de beaux jours devant elle. Et que l’un de ses enfants aura peut-être la chance, comme la jeune Malienne Fatoumata Diabaté, lauréate du Prix Afaa-Afrique en création, d’entendre prononcer son nom par le président du jury. Les larmes de joie qu’elle n’a pu retenir ce jour-là resteront l’un des moments forts de cette sixième édition des Rencontres africaines de la photographie.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires