Ils ne pensent qu’à ça !

Seule la victoire est belle. Comme souvent, le pays organisateur, l’Égypte, part avec les faveurs du pronostic. Mais le Cameroun, le Sénégal et le Nigeria, en quête de rachat, vendront chèrement leur peau.

Publié le 16 janvier 2006 Lecture : 6 minutes.

On se console comme on peut. Après avoir longtemps caressé le rêve d’organiser la Coupe
du monde 2010, les Égyptiens se sont souvenus que leur pays avait été désigné, en octobre 2002, pour héberger la vingt-cinquième édition de la Coupe d’Afrique des nations. La grande fête biennale du football africain au pays des Pharaons: l’affiche, sur le papier, avait de quoi séduire. Pourtant, difficile de savoir à quoi ressemblera exactement le millésime 2006 de l’épreuve. Beaucoup redoutent une grande pagaille. L’Égypte a pris du retard dans la préparation (voir encadré) et risque d’être jugée sévèrement. D’autant plus que la Tunisie, qui a abrité l’édition précédente, et rendu une copie presque parfaite, a placé la barre assez haut. Cerise sur le gâteau, les Aigles de Carthage avaient remporté le trophée. Les Pharaons rêvent de les imiter. C’est encore le meilleur moyen de sauver « leur » CAN.

Pour cela, ils compteront sur le soutien sans faille de leur public, et sur l’avantage du terrain, souvent décisif dans ce genre de compétition. Depuis la création de l’épreuve, en 1957, le pays organisateur a triomphé une fois sur deux. Mais rien n’est joué, car, cette année, le plateau est extrêmement relevé. Malgré les pressions des clubs, toujours
réticents à l’idée de se priver pour trois semaines des services de leurs joueurs à une période cruciale de la saison, la plupart des grandes stars africaines du ballon rond ont
confirmé leur participation. Certains, à l’instar du Nigérian Wilson Oruma (Olympique de Marseille) ou de l’Égyptien Mido (Tottenham), ne rejoindront leurs coéquipiers qu’à la toute dernière minute, aux alentours du 12 janvier. Ce qui ne facilitera pas leur préparation.
Le Cameroun, le Nigeria, le Sénégal et, dans une moindre mesure, l’Afrique du Sud auront à cur de se racheter après leur échec en éliminatoires de la Coupe du monde 2006. Ils
visent la victoire finale. De leur côté, les cinq pays qualifiés pour l’Allemagne la Tunisie, désormais habituée des grands tournois, la Côte d’Ivoire, le Ghana, l’Angola et le Togo voudront montrer que leur billet pour l’Allemagne n’est pas usurpé. Le Maroc était finaliste de l’édition précédente. Les Lions de l’Atlas seront donc en embuscade, prêts à profiter du moindre faux pas des deux favoris du groupe A, l’Égypte et la Côte d’Ivoire. La Guinée de Pascal Feindouno, imprévisible, est capable du meilleur comme du pire. Elle ne semble pas outillée pour aller au bout, mais pourrait jouer les trouble-fête dans un groupe C qu’on dit promis à la Tunisie et à l’Afrique du Sud. La confrontation entre le Togo et l’Angola, les deux qualifiés-surprise du Mondial allemand,
et que les hasards du tirage ont placés dans le même groupe (B), en compagnie du Cameroun, sera suivie avec attention et curiosité par la planète football, qui sait peu de chose sur la valeur réelle de ces deux équipes. L’affiche promet une belle opposition de style entre des Ouest-Africains très offensifs, mais étroitement dépendants du rendement d’Adebayor, et des lusophones compacts, difficiles à manuvrer, mais marquant
peu. Trois équipes, le Nigeria, le Sénégal et le Ghana, peuvent, malgré l’absence d’Essien, blessé, prétendre aux deux premières places d’un groupe D aux contours très incertains. La Libye (groupe A), la RD Congo (groupe B), la Zambie (groupe C) et le Zimbabwe (groupe D) semblent, eux, promis à faire de la figuration

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Public et téléspectateurs salivent déjà à l’idée d’un choc Cameroun-Côte d’Ivoire, en quarts de finale, si les Lions indomptables finissent en tête de leur groupe et si les
Éléphants accrochent la seconde place derrière l’Égypte. Un remake du très accroché quart de finale de l’édition 2004, Tunisie-Sénégal, est également envisageable, à condition
que les Tunisiens terminent premiers de leur groupe, et les Sénégalais seconds. Enfin, l’Égypte et sa bête noire, la Tunisie, pourraient se croiser dès les demi-finales, pour un derby explosif. On ose à peine imaginer la réaction du public cairote si la Tunisie, comme elle en a pris l’habitude depuis 1977, venait à l’emporter

Le naufrage des grandes équipes lors des éliminatoires de la Coupe du monde 2006 a relancé l’intérêt sportif d’une CAN dont on aurait pu craindre qu’elle serve seulement
de galop d’essai aux ténors du football africain en partance pour l’Allemagne. Le Cameroun, le Sénégal et le Nigeria, comme d’ailleurs le Maroc, vont jouer sans lever le
pied pour aller le plus loin possible. Leur objectif est simple : la victoire. C’est du côté de Yaoundé que l’attente est la plus forte, surtout après le traumatisme du 8 octobre. Les Lions indomptables, déjà quatre fois vainqueurs de la CAN, possèdent, en Samuel Eto’o, un joueur exceptionnel, et leur effectif est impressionnant. Cependant, leur prodige marque moins avec la sélection qu’à Barcelone, et, globalement, le Cameroun,
trop frileux, n’a pas encore retrouvé un fond de jeu à la hauteur de son standing. À l’inverse, la Tunisie, pourtant tenante du trophée, va peut-être doser ses efforts. Joueurs et dirigeants ne font pas de la défense de leur titre continental une obsession, et une place dans le dernier carré suffirait amplement à leur bonheur. Depuis le 9 décembre, date du tirage au sort de la Coupe du monde, les Tunisiens savent qu’ils auront
une vraie carte à jouer dans le groupe H allemand, où ils seront opposés à l’Espagne, l’Ukraine et l’Arabie saoudite. Ils veulent, pour leur troisième participation d’affilée à un mondial, séduire, et passer enfin le premier tour, ce qui suppose de ne pas arriver
« carbonisés », physiquement ou psychologiquement, le 14 juin à Munich. La position de la Côte d’Ivoire est nettement moins confortable. Présentée comme la meilleure équipe africaine du moment, elle a tout à prouver. Et jouera avec un mélange de pression et d’envie de justifier son nouveau statut. Pas très chanceuse au tirage, elle a hérité d’un
groupe difficile le groupe A et est carrément tombée dans « le groupe de la mort » du Mondial, le groupe C, où elle côtoiera l’Argentine, les Pays-Bas et la Serbie. Absents de la CAN 2004, les Ivoiriens doivent s’étalonner et engranger de l’expérience. Ils sont à la recherche de certitudes, notamment derrière, où leur fébrilité défensive est criante. Mais ils ne peuvent se permettre de jeter toutes leurs forces dans la bataille, car le risque serait grand que les joueurs évoluant, comme Drogba, dans les meilleurs clubs européens, et engagés sur plusieurs tableaux (sélection, championnat, coupe d’Europe), n’arrivent épuisés au Mondial. Ou, pis, se blessent. Le problème se pose dans des termes similaires pour les Ghanéens. Angolais et Togolais, en revanche, sont là pour faire leur apprentissage. Ils découvriront le très haut niveau à l’occasion de cette CAN.
Finalement, même si elle est loin de posséder, sur le papier, la formation la plus impressionnante, l’Égypte, poussée par son public, a une belle carte à jouer dans la compétition. Rajeunis et techniques, les Pharaons ont l’habitude de jouer ensemble : leur
ossature est celle d’Al-Ahly, récent vainqueur de la Ligue des champions d’Afrique. Corecordmen des victoires avec le Cameroun (4 trophées), ils n’ont pas réussi des matchs de préparation flamboyants, perdant notamment chez eux, contre la Tunisie, en novembre (2-1). Un revers qui leur a évité de verser dans l’excès de confiance.

Le retour du vétéran Hossam Hassan, presque quadragénaire, à la pointe de l’attaque, peut créer un choc psychologique. Une sorte de joker de luxe. L’Égypte sait ce qui lui reste à faire : bien entamer la compétition, en gagnant son premier match contre la Libye, l’adversaire le moins huppé du groupe. Ensuite, avec un brin de réussite, elle pourrait bien mettre tout le monde d’accord, et, pourquoi pas, « refaire » le coup de la Tunisie en
2004

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