Ces bébés venus d’ailleurs

Quatre mille enfants étrangers adoptés chaque année par des familles françaises.

Publié le 17 janvier 2006 Lecture : 3 minutes.

Si la France est un des pays européens qui connaît le plus fort taux de natalité (13 ä en 2005), elle est aussi celui qui adopte le plus d’enfants étrangers : 4 000 en 2003, sur un total de 4 500 adoptions, ce qui la place au deuxième rang mondial après les États-Unis (20 000). D’où viennent ces enfants, quel est le profil des parents adoptifs, quel âge ont les uns et les autres au moment de l’adoption ? C’est à ces questions que répond l’enquête de l’Institut national d’études démographiques (Ined) dont les résultats sont synthétisés dans le bulletin de novembre dernier de Population & Sociétés.
Ce qui a considérablement changé au cours des dernières années, c’est l’origine géographique des enfants. Il y a un quart de siècle, ils venaient à 80 % d’Asie, principalement de Corée du Sud. Aujourd’hui, ils sont issus de toutes les régions du monde dans des proportions comparables : Asie (27 %), Afrique (27 % également), Amérique (26 %), Europe (20 %). Trois pays, Haïti, la Chine et la Russie, fournissent ensemble plus du tiers des enfants.
L’âge moyen des enfants à l’adoption est de 2 ans et 10 mois, mais on relève de grandes disparités selon les pays d’origine. La moyenne va en effet de moins de 6 mois pour les petits Coréens à environ 7 ans pour les Brésiliens. Explication de Juliette Halifax et Catherine Villeneuve-Gokalp, les auteurs de l’étude de l’Ined : au Brésil, où l’adoption est en forte hausse, les familles locales choisissent de préférence des nourrissons, laissant les plus âgés aux étrangers. Ceux-ci, en revanche, peuvent facilement trouver de tout jeunes bébés en Corée du Sud où les mères célibataires renoncent presque systématiquement à élever le fruit de leurs amours.
Même cas de figure en Chine, où les parents qui abandonnent un enfant le font dès sa naissance. Comme on peut s’en douter, compte tenu du souci qu’ont les habitants de ce pays d’obtenir à tout prix une descendance mâle (voir J.A.I. n° 2342), les enfants proposés sont essentiellement de sexe féminin : on ne compte que 2 garçons pour 100 filles parmi les adoptés originaires de ce pays. Curieusement, et sans qu’on sache pourquoi, la situation est inversée dans un autre pays asiatique, la Thaïlande, où l’on propose 257 garçons pour 100 filles. On ne sait pas non plus expliquer la surreprésentation masculine en Russie (195 garçons pour 100 filles). Quoi qu’il en soit, ces différences s’équilibrent et, au final, on retrouve autant de garçons que de filles.
Autre volet de l’enquête : les candidats à l’adoption. Dans neuf cas sur dix, il s’agit de couples. Près des trois quarts d’entre eux sont mariés depuis au moins deux ans au moment où ils entament leurs démarches. Pour ce qui est des personnes seules, si elles représentent environ 11 % des demandes, elles ne sont que 7 % parmi les requérants satisfaits, tous ou presque étant des femmes. Pour plus de 70 % des couples concernés, l’adoption est le seul moyen d’avoir un enfant. Soit ils ont expérimenté, sans succès, l’assistance médicale à la procréation, soit, pour une minorité, ils ont refusé d’y recourir. Si 12 % des adoptants sont devenus stériles après avoir eu un ou plusieurs enfants biologiques, on en trouve aussi 12 % qui n’ont aucun problème physiologique pour enfanter.
Il n’est guère étonnant que l’âge des mères adoptives soit sensiblement plus élevé que celui des mères biologiques : 38,5 ans à l’arrivée du premier enfant dans le premier cas, 27,5 ans dans le second. C’est qu’en général on recourt à l’adoption après avoir épuisé toutes les possibilités de traitement médical, ce qui prend forcément beaucoup de temps. À cela s’ajoutent les délais inhérents à la procédure : trois ans d’attente en moyenne.
Autre indication apportée par l’étude de l’Ined : la pratique de l’adoption varie substantiellement en fonction des catégories sociales. Ainsi les cadres constituent-ils le quart des familles adoptantes, alors qu’ils ne sont que 16 % dans la population globale de référence. Proportion inversée pour les ouvriers, qui représentent moins de 20 % des candidats à l’adoption, contre 35 % de la population dans les départements où a été conduite l’enquête. Le phénomène est encore plus flagrant dans le cas des femmes seules : les trois quarts des mères adoptives sont cadres ou appartiennent à une profession intermédiaire. Tout est question de revenu, en effet. Avec un unique et maigre salaire, on ne peut « se payer » une adoption internationale. Comme on doit se priver de bien d’autres choses…

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