Hausse des frais universitaires en France : quel impact sur les étudiants africains ?
Dès la rentrée prochaine, les étudiants étrangers extra-européens devront débourser jusqu’à seize fois plus que leurs homologues européens pour s’inscrire dans une université française. Un système qualifié « d’élitiste » par les syndicats étudiants.
Le 19 novembre 2018, Édouard Philippe, alors encore Premier ministre, annonçait la mise en place d’une nouvelle « stratégie d’attractivité » intitulée « Bienvenue en France/Choose France ». Parmi les mesures annoncées, l’instauration de frais d’inscription différenciés pour les étudiants extra-européens fait beaucoup parler : Ceux-ci devront désormais payer seize fois plus pour avoir le droit de s’asseoir sur les bancs d’une université française.
Dès la rentrée prochaine, les étudiants ressortissants de pays non-membres de l’Union européenne devront s’acquitter de frais d’inscription de 2 770 euros en licence et de 3 770 euros en master, contre respectivement 170 et 243 euros pour les jeunes Européens… Une décision qui inquiète les étudiants africains qui représentent près de 45 % des étrangers venus étudier en France.
Pour tenter de calmer la colère,provoquée par ces annonces, le gouvernement français a annoncé des « aides et des exonérations totales ou partielles » pour les plus défavorisés. Cependant, elles ne bénéficieront qu’à 10 % de l’effectif total des étudiants (français comme étrangers) actuellement inscrits dans les universités.
Le Conseil d’État valide
Saisi par plusieurs organisation étudiantes, le Conseil d’État a rejeté le recours. L’Unef, réclamait notamment la suspension de ces frais différenciés, car leur principe remet en cause « le droit à un égal accès à la formation ».
Dans leur décision, rendue le 1 er juillet, la juridiction a notamment estimé que le montant des droits d’inscription « demeurent inférieurs au coût réel de la formation ». Le Conseil d’État a toutefois précisé que « les étudiants en mobilité internationale pourront être éligibles » à certaines des bourses annuelles, notamment celles allouées par les ambassades françaises à l’étranger.
Pas de quoi calmer les critiques, qui attaquent depuis des mois « l’élitisme » de ce « Bienvenue en France ». Dans une tribune publiée début juin par des syndicats, des associations d’étudiants étrangers et des personnalité politiques, les signataires accusaient l’exécutif français de « transformer notre société en un cercle de plus en plus élitiste où les universités se métamorphosent en clubs privés. Clubs ouverts uniquement aux pays considérés comme « intéressants », et non pas à ceux du continent africain par exemple, où les étudiant·e·s devraient pouvoir étudier chez eux. »
Les étudiants africains en première ligne
S’ils sont loin d’être les seuls à être concernés par la mesure, les étudiants africains n’en sont pas moins concernés au premier chef. En 2019 déjà, et alors même que les frais d’inscription différenciés n’avaient pas de caractère obligatoire, les candidatures africaines auraient baissé de 30 à 50 %, selon la Conférence des présidents d’université.
« C’est tout simplement inaccessible. Je ne peux pas me permettre de mettre autant d’argent dans un diplôme que je peux obtenir dans mon propre pays. C’est une somme beaucoup trop importante, qui me permettrait de subvenir aux besoins de ma famille et d’investir dans plusieurs projets, si je restais au Sénégal », témoigne Cheikh, étudiant sénégalais qui souhaitait effectuer son master de communication dans l’Hexagone.
Pour Florent Bonaventure, directeur de la communication et des études de Campus France « Cette stratégie est une bonne manière de promouvoir les enseignements des établissements africains », assure-t-il. Le porte-parole de Campus France insiste également sur un nouveau programme, mis en place en parallèle au lancement de « Bienvenue en France » : les Partenariats avec l’enseignement supérieur africain (PEA), qui concernent des universités dans 18 pays du continent définis comme « prioritaires ».
La balle dans le camps des universités
« Cette politique permettra aux universités d’examiner et de sélectionner de manière plus pointilleuse leurs élèves », précise Florent Bonaventure, qui renvoie aux universités la responsabilité d’ouvrir un peu plus la porte – ou pas – aux étudiants extra-européens. « Les ratios d’extra-européens dépendront des politiques mises en place par les universités », souligne le directeur de la communication de Campus France.
Pour le moment, dans les universités, une certaine forme de résistance s’organise. L’université de Grenoble a opté, dès 2019, pour ouvrir l’exonération des frais à l’intégralité de ses étudiants extra-européens. Mesure qu’elle poursuivra à la rentrée prochaine, tout comme celle d’Orléans, qui a décidé de renoncer aux frais différenciés alors qu’elle les pratiquait l’an dernier.
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