Ahmed Akhchichine

Porte-parole de la Commission qui a élaboré le rapport « 50 ans de développement humain et perspectives 2025 », Ahmed Akhchichine né à Marrakech en 1954 a également travaillé à la rédaction du chapitre « Gouvernance et participation citoyenne » dudit

Publié le 17 janvier 2006 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique/L’intelligent : Qu’attendez-vous de la publication du rapport sur le développement humain ?
Ahmed Akhchichine : Comme ce rapport n’est pas banal, il devrait bénéficier d’un traitement particulier. C’est-à-dire faire l’objet d’un vaste débat national. Nous avons déjà pris contact avec tous les partis politiques et le bureau du Parlement, et souhaitons qu’ils prennent leurs responsabilités en organisant les débats nécessaires sur le diagnostic que rend le rapport et les perspectives qu’il trace.
J.A.I. : Qu’en est-il au niveau des simples citoyens ?
A.A. : Ils ont bien sûr leur mot à dire. Dans ses conclusions, le rapport lance en particulier un appel aux jeunes. Mais là encore, il revient à la société de prendre ses responsabilités puisqu’il y va de son avenir. Il est grand temps de cesser de réfléchir en termes de transition et d’entrer enfin dans l’ère de normalité où chacun fait son travail et où les acteurs de la vie publique qui exercent des responsabilités sont tenus de rendre des comptes.
J.A.I. : Vous semblez tabler sur des débats spontanés au sein de la société civile…
A.A. : Au départ, mais peut-être serons-nous obligés d’aller au charbon, d’organiser des tournées dans les universités ou d’autres espaces culturels. Mais si les Marocains lisent ce rapport et ne se posent pas de questions ou ne réagissent pas, il y a un problème.
J.A.I. : Il faut réagir, mais comment ?
A.A. : Ce n’est pas à moi de le dire. Nous avons fait un certain nombre de recommandations, mais le rapport se veut d’abord une invitation au débat qui devrait déboucher sur un programme politique et créer une dynamique.
J.A.I. : Ne risque-t-il pas de finir dans un tiroir ?
A.A. : Non. Car, paradoxalement, il est mieux pris en charge par l’État que par les autres acteurs.
J.A.I. : De quels acteurs parlez-vous ?
A.A. : Je parle de tous les Marocains sans exception, de chacun dans sa sphère. Je serais heureux que demain des citoyens écrivent dans la presse pour expliquer que les auteurs du rapport n’ont rien compris au Maroc et qu’il existe un autre Maroc, plus radieux. L’essentiel : que les Marocains réagissent, s’expriment. La loi autorise tout citoyen à exercer un droit de regard sur le fonctionnement d’un conseil communal ou municipal. Mais encore faut-il que les intéressés exercent ce droit. Aujourd’hui, de nombreux conseillers communaux ont fait main basse sur des villes parce qu’il n’y a aucun contrôle citoyen.
J.A.I. : Peut-être parce que les citoyens ignorent qu’ils ont ce droit …
A.A. : C’est exactement cela. Mais il est temps que les Marocains se réveillent, qu’ils s’occupent des affaires de la cité, bref, qu’ils soient des citoyens à part entière. Si nous avions un pays peuplé de citoyens, nous ne serions pas dans la situation que décrit le rapport.
J.A.I. : Le rapport préconise notamment le vote obligatoire…
A.A. : C’est essentiel. Car chaque fois que vous ne votez pas, quelqu’un vote pour vous, à votre place. Nous avons fait des progrès : il n’y aura plus jamais d’élections bidons, c’est terminé ! Mais que ferons-nous si, aux élections de 2007, nous avons un raz-de-marée islamiste parce que les Marocains ont négligé de se mobiliser, de débattre et de… voter ? Le vote obligatoire devrait avoir l’effet d’un électrochoc.
J.A.I. : Il faudrait l’expliquer.
A.A. : On l’expliquera. Le vote est comme l’école obligatoire qui signifie que les parents risquent d’aller en prison s’ils n’inscrivent pas leurs enfants à l’école.
J.A.I. : Êtes-vous sûrs que les mesures que vous préconisez seront appliquées ?
A.A. : Non. Mais c’est notre contribution.
J.A.I. : Le rapport a une liberté de ton qui surprend.
A.A. : Parmi les choses qui nous ont fait le plus de tort, c’est la complaisance et l’auto-intoxication. Nous nous sommes tellement menti – y compris par omission – que nous avons fini par y croire. Et nous payons lourdement la facture. Il y a tant de choses que nous aurions pu voir il y a dix ans, mais nous ne les avons pas vues parce que personne ne voulait les voir. La liberté de ton est donc essentielle pour ne pas se voiler la face. Pour nous, c’est une évidence. Si on n’arrive pas aujourd’hui à dire la vérité sur le Maroc comme nous sommes en train de le faire, c’est que nous n’avons rien compris.

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