Abou Dhabi fait sa mue

La cité-État émiratie la plus prospère commence à investir pour diversifier son économie. Et préparer l’après-pétrole.

Publié le 16 janvier 2006 Lecture : 3 minutes.

L’hôtel Emirates Palace, mélange extravagant de marbre, d’or et de cristal, est le signe que la fièvre de Dubaï a contaminé Abou Dhabi. Ce luxueux palace 7 étoiles est en outre une réponse à l’hôtel Borj-al-Arab, une tour en forme de voile, qui a aidé Dubaï à se bâtir une renommée touristique.
Débordant de devises, l’émirat prudent et conservateur d’Abou Dhabi est à la fois la plus grande et la plus riche des sept villes-États qui constituent les Émirats arabes unis (EAU). Il se tourne progressivement vers une stratégie plus audacieuse afin de diversifier son économie, basée sur le pétrole, dans l’éventualité d’une baisse des prix du baril.
Peuplé de 1,5 million d’habitants, dont un tiers seulement d’autochtones, Abou Dhabi détient 96 % des réserves en gaz et en pétrole des EAU, qui recèlent au total 9 % des réserves planétaires prouvées en pétrole et 5 % en gaz. Mais au cours des dernières années, Abou Dhabi est resté dans l’ombre de Dubaï, aux ressources pétrolières plus réduites, qui s’est propulsé au rang de plate-forme intermodale, de centre financier régional et de destination touristique.
« Tandis que Dubaï se développait, personne n’entendait parler d’Abou Dhabi, indique un homme d’affaires. C’est une des raisons pour lesquelles il a dû mettre en place sa propre compagnie aérienne (Etihad Airways) et développe actuellement un nouvel aéroport. » Tout comme Dubaï, Abou Dhabi est géré à la manière d’une entreprise familiale, le gouvernement contrôlant l’économie tout en étant un investisseur privé important. Depuis les années 1970, les bénéfices du pétrole ont été réinvestis par l’Abu Dhabi Investment Authority (Adia), qui dispose d’environ 214 milliards d’euros, répartis sur différents actifs à travers le monde. C’est la combinaison de deux facteurs qui ont encouragé l’émirat à se lancer sur cette voie : d’abord la nécessité de garantir l’emploi à une population certes réduite mais en pleine croissance ; ensuite l’arrivée de dirigeants plus jeunes après la mort de Cheikh Zayed Ibn Sultan al-Nahyan en 2004, remplacé par son fils, Cheikh Khalifa. Mais le véritable moteur du changement est Cheikh Mohamed, le prince héritier. Plus de 100 milliards de dollars seront investis sur Abou Dhabi au cours des sept prochaines années, d’après les plans établis par le gouvernement, qui espère aussi attirer des investisseurs privés étrangers.
Selon la ministre émiratie de l’Économie et de la Planification, Cheikha Lubna al-Qasimi, l’État envisage de lancer des privatisations et d’assouplir la législation afin de faciliter l’entrée de compagnies étrangères. Le ministère de l’Économie souhaite aussi améliorer la transparence financière, une mesure réclamée par le Fonds monétaire international (FMI).
Le pétrole restera cependant l’épine dorsale de l’économie, avec une production qui passera à quelque 4 millions de barils par jour avant la fin de la décennie, contre 2,5 millions aujourd’hui. Mais de nouveaux secteurs industriels se développent, comme la pétrochimie ou la métallurgie. Quand à l’aéroport, il devrait passer par un chantier d’agrandissement pour se préparer à l’afflux de touristes tant espéré. Le marché de l’immobilier a été libéralisé au début de 2005. Auparavant, l’État concédait des lots de terrain assortis de prêts à taux avantageux, mais la revente était sévèrement contrôlée. Désormais, deux sociétés étatiques ont été mises en place, avec pour objectif de développer les terres qui leur ont été allouées.
« Naguère, notre discrétion était délibérée. Nous étions concentrés sur le pétrole et le gaz, et l’Adia. Il était inutile de donner des détails sur nos activités parce que nous étions très riches », explique Ahmad Ali al-Sayegh, président d’une des deux sociétés immobilières, Aldar. « Aujourd’hui, nous sommes encore plus riches, mais nous avons de nouveaux dirigeants et la gestion doit désormais être efficace. Nous allons ainsi construire de meilleures maisons pour moins cher. »
Selon les analystes, l’un des défis qui attend Abou Dhabi consistera à piloter une expansion mesurée et efficace, et à créer un principe économique qui complète celui de Dubaï. « Abou Dhabi n’est pas un miroir de Dubaï, qui travaille dur pour vivre, alors qu’ici l’argent coule à flots. Il suffit juste d’apprendre à le gérer un peu mieux », commente un banquier. Il faudra également trouver l’équilibre entre la modernisation rapide et l’attachement aux traditions. « Le pouvoir est partagé entre deux extrêmes : la tentation de protéger notre culture et celle de se moderniser. Il faut trouver un point d’équilibre », explique Saïd Moubarak al-Hajeri, président de la Banque commerciale d’Abou Dhabi.

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