Un testament humaniste

Les combats et les engagements de Guy Hennebelle au sommaire de la publication qu’il dirigeait. Politiquement incorrect.

Publié le 15 décembre 2003 Lecture : 2 minutes.

« Une revue qui ne pense pas nécessairement comme tout le monde ». Tel est le beau sous-titre de la revue Panoramiques, dont l’avant-dernier numéro aux allures de manifeste, intitulé « Pour quoi nous combattons », est des plus singulier. Conçu et réalisé à la mi-2003 par son fondateur, il se présente en effet comme son testament : Guy Hennebelle se savait alors atteint d’un cancer et il a tenu à organiser et à commenter lui-même ce recueil composé de ses articles et éditoriaux les plus marquants.
Critique de cinéma dans la presse algérienne entre 1962 et 1968 (El Moudjahid, Révolution africaine…), puis dans divers journaux et revues attentifs aux évolutions du Tiers Monde, dont Jeune Afrique, cet agitateur d’idées impénitent a tenu à revenir sur son itinéraire qui fut aussi, à l’heure des indépendances africaines et après, celui de toute une génération d’intellectuels de gauche humanistes. Sans nostalgie, cherchant toujours à prolonger son regard critique sur le passé par des échappées vers l’avenir proche, il retrace dans ce numéro spécial de Panoramiques ses combats et ses engagements. Mais pas seulement. Sont aussi présents ses déceptions et ses espoirs, au regard de tous les systèmes de pensée et d’action politiques qu’il a côtoyés ou auxquels il s’est confronté, du catholicisme de sa jeunesse aux idéologies « Coco, Castro, Mao et Tercer Mundo » puis « socialo, judéo ou islamo » – ce sont ses termes – des quarante dernières années.
Panoramiques a permis, depuis 1991, de publier dans quatre- vingts livraisons thématiques les textes d’environ deux mille auteurs, auxquels Guy Hennebelle, sensible à la diversité des points de vue, y compris quand ils heurtaient les siens, demandait surtout, loin de tout « politiquement correct », de combattre les idées reçues et les « bons sentiments », aussi fédérateurs qu’inutiles. Un simple parcours des titres des numéros concernant le Maghreb, le Proche-Orient, la démographie, l’émigration vers l’Europe ou l’islam suffit à le montrer : « Algériens-Français : bientôt finis les enfantillages ? », « Israël-Palestine : des utopies ou le cauchemar », « De droite, la famille ? », « On ouvre les frontières ? Chiche ! Et après ? », « L’islam est-il rebelle à la libre critique ? »…
Mais avant de créer Panoramiques pour disposer d’un instrument permettant de réfléchir aux évolutions significatives de notre planète à l’heure de la « mondialisation » triomphante et inquiétante (« La question est de savoir si c’est pour que les pauvres se hissent au niveau des riches ou si c’est un programme pour rendre certains « relativement riches » aussi flexibles que les démunis »), Guy Hennebelle s’était avant tout fait connaître comme un spécialiste du septième art, et en particulier des cinémas du Sud (un pluriel qui allait de soi pour lui). Ce qui l’avait amené, dès 1978, à lancer la revue trimestrielle CinémAction, dont l’un des plus récents numéros était consacré, début 2003, à l’Afrique noire (« Cinémas africains : une oasis dans le désert ? »).
Les positions souvent très tranchées de Guy Hennebelle, proches ces dernières années d’idées comme celles de Jean-Pierre Chevènement, pouvaient certes en indisposer beaucoup, et pas toujours pour de mauvaises raisons. Mais sa constante attention aux contradicteurs et sa façon obstinée de mettre lui-même en pratique l’éthique qu’il recommandait aux autres (par exemple : « Si vous aimez l’Humanité, commencez par aimer les gens ») ont toujours imposé le respect.

Revue Panoramiques – Hors série, « Pour quoi nous combattons », Éd. Corlet/Marianne, 208 p., 14 euros.

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