Sur la corde raide

Le conseil de transition mis en place au lendemain du putsch du 14 septembre a hérité d’une situation catastrophique. Où en est-il cent jours après ?

Publié le 15 décembre 2003 Lecture : 4 minutes.

Les élections législatives se tiendront le 28 mars prochain et la présidentielle un an plus tard. Ainsi en a décidé, le 5 décembre, le Conseil national de transition de Guinée-Bissau. Après avoir réparti les postes de gouverneurs et de préfets entre les différents partis politiques, cette instance qui fait office de Parlement provisoire a en effet arrêté le calendrier électoral. Non sans difficultés. Cent jours après le putsch du 14 septembre, les partisans du président Kumba Yala n’ont toujours pas accepté sa déposition.
Ce jour-là, les Bissauguinéens apprennent sur les ondes que des militaires dirigés par le chef d’état-major des armées, le général Veríssimo Correia Seabra, ont pris le pouvoir pendant la nuit. Un coup d’État « propre », sans effusion de sang. Incapable de redresser son pays ruiné par la guerre civile, le président déchu était vite devenu impopulaire. La nouvelle de sa destitution a donc été accueillie avec soulagement par la population. Dès le lendemain, les officiers putschistes réunis au sein d’un Comité militaire de restauration de l’ordre constitutionnel s’engagent à créer un gouvernement de transition regroupant toutes les sensibilités politiques.
En dépit de débats houleux qui manquent de tout faire capoter, les institutions de la transition se mettent très rapidement en place. Après avoir accepté la candidature d’Henrique Rosa, personnalité consensuelle et apolitique présentée par la société civile, au poste de président intérimaire, le Comité militaire impose Arthur Sanha comme Premier ministre. Secrétaire général du Parti de la rénovation sociale (PRS), la formation du président déchu, celui-ci fait l’unanimité contre lui en raison de ses antécédents judiciaires. Dès l’annonce de sa nomination, un bras de fer s’engage entre les partis et le Comité militaire. Ce dernier aura le dernier mot. Le 28 septembre, deux semaines après le coup d’État, les représentants des partis ratifient en bloc un « pacte » qui organise les termes de la transition et fixe les modalités de la formation du futur gouvernement. Seul Francisco Fadul, chef de file du Parti uni social démocrate (PUSD) et principal opposant à Kumba Yala, refuse de parapher l’accord. Il rejette ainsi le choix du Premier ministre et la date des législatives, qu’il juge trop tardive. Aucun membre de son parti ne siège au Conseil national de transition, qui compte 25 militaires, 23 représentants des partis politiques et 8 membres de la société civile.
À peine installés, les organes de la transition doivent faire face à de graves difficultés économiques et financières, héritage du régime déchu. Les caisses sont vides et les fonctionnaires, qui n’ont pas été payés depuis un an, perdent patience. À commencer par les salariés de l’EAGB, la société nationale de l’eau et de l’électricité, qui se mettent en grève, en novembre. Durant une semaine, la capitale est plongée dans le noir et privée d’eau courante. Le gouvernement réussit à calmer le jeu en versant à l’ensemble des fonctionnaires leur salaire du mois d’octobre. Et en promettant de leur verser avant Noël celui de novembre. Pour autant, à en croire Abubacar Dahaba, le ministre de l’Économie et des Finances, le Trésor public se trouve dans l’incapacité de payer la totalité des arriérés de salaires. La situation est d’une telle gravité que le Conseil national de transition est contraint d’annoncer la création d’une commission chargée d’auditer les comptes de l’équipe de Mario Pires, le Premier ministre sortant, entre décembre 2002 et septembre 2003.
En attendant, il faut remplir les caisses. La communauté internationale, qui n’avait critiqué que du bout des lèvres le renversement du régime démocratiquement installé en janvier 2000, est sollicitée. Le 19 novembre, le président Rosa plaide la cause de son pays devant le Conseil de sécurité des Nations unies. Les bailleurs multilatéraux acceptent de soutenir financièrement la transition. L’Alle- magne propose de regrouper tous les partenaires de la Guinée-Bissau afin de rechercher des fonds pour le financement du processus électoral et le paiement des arriérés de salaires. Les Pays-Bas s’engagent à verser 2 millions de dollars ; le Portugal, 1 million ; et l’Angola, 500 000 dollars.
Avec l’aide du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, le gouvernement élabore un plan qui sera présenté aux bailleurs de fonds au mois de janvier, à Bruxelles. Il espère obtenir une contribution de 10 milliards de F CFA (15 millions d’euros) au budget de l’État (58 milliards, au total), le reste étant financé par les recettes internes. À en croire certaines sources, celles-ci sont d’ores et déjà collectées et versées sur un compte à la BCEAO. L’État ne parviendra néanmoins à joindre les deux bouts qu’en réduisant drastiquement ses dépenses de fonctionnement. Il paraît évident, par exemple, que le nombre des militaires et des fonctionnaires – quarante mille, au total, dont un quart d’employés fictifs – est très largement excessif pour une population d’à peine 1,3 million d’habitants. En 2002, les salaires des agents de la fonction publique ont absorbé 95 % des ressources de l’État.
Un pas dans la bonne direction vient d’être franchi. En octobre, le gouvernement a confié aux banques privées le paiement des salaires. Et celles-ci ont exigé la présentation d’une carte d’identité en échange de la paie. Cette chasse au gaspillage sera-t-elle suffisante ? En tout cas, la relance de l’économie passe par là. La crédibilité du gouvernement de transition aussi, même s’il est également attendu sur le respect du calendrier électoral.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires