Sarkozy s’y voit déjà

Le ministre de l’Intérieur ne s’en cache même plus : l’Élysée est bien son objectif. Dût-il en découdre avec le président Jacques Chirac.

Publié le 15 décembre 2003 Lecture : 3 minutes.

« Nicolas Sarkozy est-il le sauveur que la France attend ? » s’interroge Michael González dans le Wall Street Journal, le quotidien économique américain. Réponse : « Un homme au moins en est convaincu : Sarkozy lui-même. »
Fort de cette certitude, le ministre français de l’Intérieur a récemment franchi deux « lignes rouges » : il a admis à la télévision être obsédé par l’élection présidentielle de 2007 (« oui, j’y pense, et pas seulement en me rasant »), puis suggéré à mots couverts, dans Le Monde, que Jacques Chirac, qui aura 75 ans lors de la prochaine échéance, serait sans doute bien inspiré de ne pas solliciter un troisième mandat. Émoi dans les chaumières politico-médiatiques !
« Dans la plupart des pays, commente notre confrère, un membre du gouvernement évite généralement de crier sur les toits que ses ambitions ne se limitent pas à l’Intérieur, aux Finances ou même aux Affaires étrangères. » D’abord, parce que tout le monde le sait déjà. Ensuite, parce que marcher sur les plates-bandes de son patron présente certains risques. Il ne fait guère de doute que Chirac, qui ne lui a jamais pardonné d’avoir pris contre lui le parti d’Édouard Balladur lors de la présidentielle de 1995, congédierait volontiers son impétueux ministre s’il en avait la possibilité. Autrement dit, si celui-ci était moins populaire. Or il culmine dans les sondages à 65 % d’opinions favorables, contre 50 % pour le chef de l’État et 29 % pour Jean-Pierre Raffarin, l’infortuné Premier ministre. Dans l’hypothèse vraisemblable où « Sarko » demeurerait, dans l’immédiat, place Beauvau, nul doute que ses « amis » chiraquiens s’attacheront à lui rendre la vie impossible. Reste à savoir s’il a « the right stuff », la carrure pour le rôle qu’il s’est choisi.
S’inspirant de Rudolph Giuliani, le maire de New York, Sarkozy a fait de la « tolérance zéro » face à l’insécurité le fondement de sa politique et, surtout, de sa stratégie médiatique. En pratique, il s’attache moins à démanteler les filières du crime organisé qu’à réprimer des délits certes mineurs mais visibles, comme la prostitution, le vagabondage ou la mendicité. Résultat : le taux de remplissage des prisons n’a jamais été aussi élevé depuis la Seconde Guerre mondiale. Et les statistiques – contestées – du ministère de l’Intérieur font apparaître une diminution de 3,69 % de la criminalité au cours des six premiers mois de l’année. Agacés de voir des uniformes à tous les coins de rue, certains affectent de s’inquiéter d’une dérive policière du régime, mais le fait est là : 50 % des Français sont satisfaits de l’action de Sarkozy.
Pourtant, la popularité du virevoltant « premier flic de France » ne s’explique pas uniquement par les succès, parfois très relatifs comme dans l’épineux dossier corse, de sa politique. À l’évidence, le courant passe entre les Français et lui. Quel membre du gouvernement pourrait en dire autant ? « On le trouve trop cassant, mais, d’une manière ou d’une autre, on lui pardonne », estime notre confrère. Le 20 novembre, sa confrontation télévisée avec Jean-Marie Le Pen, le « vieux lion de la droite xénophobe », et l’intellectuel islamiste Tariq Ramadan, deux rudes debaters, lui a permis de marquer des points importants, d’autant que le débat a été suivi par 7 millions de téléspectateurs : record d’audience battu pour ce type d’émission.
En tout cas, le choix du Wall Street Journal pour la présidentielle française de 2007 est fait : tout, sauf Chirac. Ou plutôt : tout, sauf une « régence de Dominique de Villepin », la bête noire de la diplomatie américaine. Le ministre de l’Intérieur, en revanche, passe pour « aimer les États-Unis »… Alors, Sarko président ? Why not ?

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