Qadora Fares

Membre du gouvernement palestinien

Publié le 15 décembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Ministre sans portefeuille du gouvernement d’Ahmed Qoreï, haut responsable du Fatah, Qadora Fares a participé à l’élaboration de l’Accord de Genève. Il a fait partie de la délégation palestinienne qui a assisté à la cérémonie de lancement de ce plan de paix, à Genève, le 1er décembre, où nous l’avons rencontré.

Jeune Afrique/L’intelligent : L’Autorité palestinienne a longtemps hésité avant d’apporter un franc soutien à l’Accord de Genève. Vous-même, vous avez menacé de ne pas faire le déplacement en Suisse sans un accord préalable du président Arafat. Pourquoi ces hésitations ?
Qadora Fares : Il y a eu un débat houleux au sein du Fatah à propos du niveau de soutien à apporter à l’initiative. Ce débat était d’autant plus déplacé que c’est le président Arafat lui-même qui nous a chargés de prendre part à la négociation. Face aux accusations de « trahison » dont nous avons été l’objet, nous avons décidé de ne pas aller en Suisse sans un accord explicite du président. Nous avons aussi expliqué qu’un échec de l’initiative de Genève aurait de graves conséquences sur le processus de paix et que nos partenaires israéliens ne manqueraient pas de nous en faire endosser l’entière responsabilité. Le président a fini par trancher en notre faveur.
J.A.I. : Le message de soutien qu’Arafat a fait parvenir aux participants était-il prêt avant cette minicrise ?
Q.F. : Oui, il avait été rédigé avant.
J.A.I. : Que répondez-vous à ceux qui reprochent à votre plan de paix d’avoir passé à la trappe le principe du droit au retour pour les 3,8 millions de réfugiés ?
Q.F. : Un leader politique doit dire la vérité à son peuple. Et chaque étape a sa vérité. Or, aujourd’hui, le projet politique de l’OLP a beaucoup évolué, mais son discours est resté inchangé. Comment peut-on souhaiter la mise en oeuvre de la feuille de route tout en continuant à parler du droit au retour ? Exiger le retour de tous les réfugiés sur le territoire de la Palestine historique, c’est remettre en question l’existence même de l’État d’Israël. Si les dirigeants palestiniens pensent que la solution du problème réside dans un retour massif de tous les réfugiés chez eux, ils devraient changer totalement de stratégie, mettre fin à toute négociation politique et déclarer la guerre totale à Israël. Pendant un demi-siècle, nous avons agité des slogans irréalistes et mené notre peuple d’abîme en abîme. L’Accord de Genève n’est certes pas la solution idéale, mais il aide notre peuple à mieux regarder l’avenir.
J.A.I. : Comment concrétiser l’espoir né à Genève ?
Q.F. : Il faudrait un changement de gouvernement en Israël.
J.A.I. : Les prochaines élections israéliennes auront lieu dans trois ans. Allons-nous attendre jusque-là ?
Q.F. : Pas nécessairement. Le gouvernement israélien est en perte de vitesse. Sharon s’est longtemps « nourri » de la confrontation. Il n’a pas amené la sécurité qu’il a promise aux Israéliens et a provoqué davantage de morts et de violence. Ses échecs commencent à susciter des dissidences au sein de la fragile majorité qui gouverne le pays.
J.A.I. : Qu’attendez-vous des Arabes ?
Q.F. : Personnellement, je n’attends plus rien d’aucun conclave arabe. Le monde arabe est un désert politique.
J.A.I. : La majorité des Palestiniens est opposée à l’Initiative…
Q.F. : Cela n’est pas conforme à la réalité. Les deux cents ou trois cents journalistes qui couvrent les événements dans les Territoires ont tendance à exagérer cette opposition. Les mouvements qui ont appelé à manifester contre l’Accord de Genève n’ont réuni que quelques dizaines de personnes. Or une question aussi importante que celle des réfugiés devrait normalement mobiliser des milliers de personnes. Je pense personnellement que la majorité des Palestiniens n’est pas opposée à notre initiative.
J.A.I. : Qu’est-ce qui vous autorise à le penser ?
Q.F. : Prenez l’exemple d’un Palestinien qui vit dans le camp Aïn el-Héloué [près de Saïda, au Liban], qui n’a pas de travail fixe et qui, pour réparer sa douche, doit solliciter une multitude d’autorisations. Si vous lui demandez d’abandonner son droit au retour contre la possibilité d’une émigration au Canada (il aura aussi un passeport palestinien, une compensation financière conséquente, une option pour la nationalité canadienne et pourra même aller prier à la mosquée Al-Aqsa, à Jérusalem), pensez-vous qu’il s’attachera encore à une chimère qui s’appelle droit au retour ? Moi, qui connais bien mon peuple, je pense que non.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires