Pékin change la donne

L’augmentation fulgurante des besoins de la Chine risque de modifier en profondeur le marché mondial. Explication.

Publié le 15 décembre 2003 Lecture : 3 minutes.

La Chine est devenue cette année le deuxième consommateur mondial de pétrole, place occupée auparavant par le Japon. Au cours des dix premiers mois de l’année 2003, ses importations d’or noir, dont la moitié proviennent du Moyen-Orient, ont augmenté de 30 %. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), elles pourraient s’élever à 10 millions de barils par jour d’ici à 2030, l’équivalent de ce que les États-Unis importent aujourd’hui. Une quête effrénée d’hydrocarbures qui n’a pas manqué de rejaillir sur l’environnement, le marché mondial de l’énergie et la politique internationale.
Cette croissance de la demande de pétrole est survenue après la crise asiatique de 1997, qui, en déstabilisant les échanges internationaux, a contraint la Chine à développer sa consommation intérieure pour conserver un taux de croissance élevé. Le pays s’est mis à investir massivement dans les infrastructures, à encourager les crédits bancaires et à desserrer les contraintes qui pesaient sur les achats des ménages. Cette politique économique a entraîné un boom de l’immobilier et de la consommation de biens d’équipement. Le marché de l’automobile a fait un bond formidable, ce qui n’est d’ailleurs pas sans poser de graves problèmes environnementaux. Dans les dix prochaines années, le nombre de voitures devrait quintupler pour atteindre 100 millions d’unités, soit la moitié du parc américain.
La production nationale de pétrole étant loin d’être suffisante pour couvrir les besoins énergétiques, devenus énormes, les compagnies pétrolières chinoises, moins expérimentées que leurs homologues américaines ou européennes, se sont donc engagées dans la compétition internationale pour obtenir des concessions et diversifier leurs sources d’approvisionnement.
En Irak, le géant pétrolier chinois China National Petroleum Corporation (CNPC) espère que le nouveau gouvernement respectera le contrat signé en 1997 pour l’exploitation d’un des champs pétrolifères du pays. Pékin cherche également à se positionner en Iran pour accéder aux réserves du deuxième exportateur de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). En mai dernier, le projet d’un oléoduc alimentant le pays en brut sibérien à partir de 2005 a été lancé. Mais il risque d’être différé après l’arrestation par le Kremlin de Mikhaïl Khodorkovski, principal actionnaire de la compagnie pétrolière russe Ioukos chargée du projet. La construction d’un oléoduc depuis le Kazakhstan est également envisagée, même s’il subsiste des doutes sur la faisabilité du projet.
Mais c’est le rapprochement avec Riyad qui inquiète le plus les Américains. « Il est possible que l’Arabie saoudite envisage de se tourner vers la Chine pour ses besoins économiques, politiques et sécuritaires, qui sont aujourd’hui assurés par les États-Unis », indiquait, l’an dernier, une étude du Pentagone intitulée « Rapprochement énergétique sino-saoudien : conséquences pour la sécurité nationale américaine ». Le premier exportateur mondial de pétrole a d’ailleurs commencé à envoyer des étudiants dans les universités chinoises pour qu’ils y apprennent la langue. Il négocie en outre la construction d’une importante raffinerie en Chine avec la société Exxon Mobil.
Les Américains se demandent aussi jusqu’où peut aller la Chine pour obtenir du pétrole. Ils craignent qu’elle ne soit tentée de proposer à des « États voyous » producteurs, comme la Libye ou l’Iran, des technologies militaires en échange d’hydrocarbures.
Autre motif d’inquiétude : la faiblesse des réserves stratégiques chinoises. En cas de baisse de l’offre mondiale de pétrole, un achat massif et soudain d’or noir par la Chine déstabiliserait le marché. En conséquence, l’administration chinoise a prévu de stocker de 50 à 55 jours de réserves en 2005 et de les porter à 68, voire à 70 jours en 2010. Nul ne sait cependant comment elle financera et construira les infrastructures de stockage.
À Washington, les experts élaborent des scénarios sur les possibles conséquences d’un accroissement important de la demande chinoise de pétrole. L’un d’entre eux, plus optimiste que les autres, conclut que le marché mondial est en mesure d’approvisionner le pays. Il prévoit aussi que les convergences d’intérêt entre la Chine et les États-Unis au Moyen-Orient pourraient rapprocher les deux pays.

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