[Tribune] La mise en œuvre de la Zleca est la vraie réponse à la crise

Plutôt que de recourir à des plans de relance basés sur la dette, c’est en misant sur le libre-échange que l’Afrique pourrait renouer avec la croissance, estime Sophonie Koboude, analyste au sein du think tank « L’Afrique des idées ».

Un chauffeur routier tanzanien à la frontière de Namanga, entre la Tanzanie et le Kenya. © Brian Inganga/AP/SIPA

Un chauffeur routier tanzanien à la frontière de Namanga, entre la Tanzanie et le Kenya. © Brian Inganga/AP/SIPA

Sophonie Koboude
  • Sophonie Koboude

    Essayiste, expert spécialiste des économies africaines au sein du cabinet InterGlobe Conseils.

Publié le 6 août 2020 Lecture : 3 minutes.

Il ne fait guère de doute que « ça » va mal. « Ça », quoi ? La situation sanitaro-économique, ou plus nommément, la crise de la Covid-19.

L’économie mondiale a été forcée à l’arrêt, et les économies africaines n’ont pas été épargnées : selon la Banque africaine de développement (BAD), le PIB réel en Afrique, d’après le scénario de base qui suppose un impact considérable du virus, mais sur une courte durée, devrait se contracter de 1,7 % en 2020, soit une baisse de 5,6 points de pourcentage par rapport aux projections de janvier 2020. Cette contraction de l’économie pourrait coûter à l’Afrique des pertes de l’ordre de 145,5 milliards de dollars.

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De cette contraction des économies à la hausse du chômage en passant par la tendance croissante de l’endettement des États, les conséquences de la crise sont lourdes à supporter pour les populations africaines. Selon le think tank L’Afrique des idées, la quasi-totalité des progrès réalisés par le continent en matière de lutte contre la pauvreté depuis 2017 va disparaître.

L’urgence ne doit pas occulter la responsabilité

Que faut-il faire ? Telle est la question qui taraude l’esprit des décideurs. S’il n’existe de recette miracle, il frappe au coin du bon sens que l’enjeu fondamental est d’éviter que la Covid-19 soit une nouvelle étape dans le déclassement du continent africain.

Ce qu’on ne voit pas, c’est le futur sapé par l’insoutenabilité de la dette

La solution de sortie de crise plébiscitée actuellement, c’est le plan de relance financé avec de la dette. Cette « solution » recueille la préférence de beaucoup de décideurs car elle apporte une sorte de réponse d’urgence et, par ailleurs, relève du mimétisme des politiques de réponse des pays du Nord.

Mais il y a ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas, pour reprendre le titre d’un des livres de Frédéric Bastiat. Ce qu’on voit, c’est la facilité à récupérer de l’argent frais sous forme de dettes pour des allocations non optimales en bout de chaîne. Ce qu’on ne voit pas, c’est le futur sapé par l’insoutenabilité de la dette, mettant en danger la capacité d’emprunter des États, la perte des marges de manœuvre budgétaires pour répondre à des crises futures. L’urgence ne doit pas occulter la responsabilité !

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Un modèle qui a fait ses preuves dans d’autres régions du monde

Une solution pour relancer les économies africaines réside dans la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zleca).

Plusieurs études ont montré que celle-ci pourrait accroître le revenu régional de 7 %, soit 450 milliards de dollars de plus, et sortir 30 millions de personnes de l’extrême pauvreté d’ici 2035.

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Son champ d’action est très large. L’accord commercial vise à stimuler le commerce intra-africain des marchandises par l’élimination progressive des tarifs douaniers et des barrières non-tarifaires et le développement et la promotion des chaînes de valeurs aux niveaux régional et continental. Dans les cinq ans suivant sa mise en œuvre, elle vise à supprimer plus de 90 % des droits de douane sur les biens échangés entre les États membres et, dans les dix ans, au moins 97 % des droits de douane doivent être supprimés.

La Zleca représente une opportunité historique qui fera baser le commerce intra-continental sur le libre-échange, un modèle qui a fait ses preuves dans d’autres régions du monde en améliorant le bien-être de millions de personnes. Elle stimulera, dans une grande proportion, les politiques d’industrialisation des économies africaines.

Un retard préjudiciable

Par ailleurs, la crise du Covid-19 a démontré très clairement l’inefficacité de ne compter que sur les liaisons maritimes et aériennes pour le commerce. Les échanges routiers ont été d’une utilité inestimable pour répondre aux besoins en denrées alimentaires.

Malheureusement, la mise en œuvre de la Zleca, qui était initialement prévue pour le 1er juillet 2020, a été reportée à une date ultérieure. Tout aussi inquiétant, sur les 55 pays de l’Union africaine, seuls 29 ont ratifié l’accord, cinq des dix plus grandes économies du continent étant encore réticentes à s’engager.

Je veux rappeler ici l’une des étymologies du terme crise : « krisis » comme le regard porté par ce qui est en train de naître sur ce qui est en train de mourir. La crise du Covid-19 est peut-être le point de bascule pour passer d’une Afrique des barrières à l’échange à une Afrique du « laisser-faire, laisser-aller ».

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