L’uranium africain : une bombe à retardement

Publié le 15 décembre 2003 Lecture : 2 minutes.

L’état désastreux de nos économies, la pauvreté de nos peuples et le désespoir de nos gouvernants sont tels que, sur le continent africain, la survie est devenue la préoccupation numéro un. Au sud du Sahara, le Niger, le Tchad, le Mali et le Burkina font partie des pays les plus pauvres du monde. La faim, les maladies et l’illettrisme y sont monnaie courante : celui qui y possède 1 dollar fait figure de privilégié. Ces États sont plombés par des dettes extérieures qui se chiffrent en milliards de dollars, mais certains disposent d’importants gisements d’uranium. Et comme ils ne peuvent pas exporter d’automobiles, comme le Japon, de puces informatiques, comme les États-Unis, de composants électroniques, comme la Corée du Sud, ni vendre leur technologie militaire, comme la Corée du Nord, l’uranium est pour eux une matière première comme une autre. Il se peut que Saddam Hussein n’ait pas tenté d’acheter de l’uranium au Niger, mais, s’il l’avait voulu, il aurait pu s’en procurer dans plusieurs autres pays. Des pays où la vie est si dure qu’ils ne peuvent s’offrir le luxe de renoncer à des ventes susceptibles de leur rapporter de l’argent (pour la santé, l’éducation ou les infrastructures routières). Si l’administration Bush ou un autre gouvernement occidental veut empêcher l’Iran ou la Corée du Nord de mettre la main sur l’uranium africain, il leur faut s’engager dans la lutte contre la pauvreté.
Après l’effondrement de l’Union soviétique, les États-Unis ont alloué à la nouvelle Fédération de Russie plusieurs milliards de dollars pour empêcher qu’elle ne tombe entre des mains hostiles. Pourquoi Washington n’aide-t-il pas l’Afrique pour faire en sorte qu’elle n’ait plus besoin de vendre son uranium ? On peut pourtant tirer d’utiles leçons des expériences angolaises ou sierra-léonaises. Là-bas, les diamants extraits puis exportés en toute illégalité ont permis de financer des guerres civiles qui ont coûté la vie à des milliers de personnes. De même, ce sont aussi les richesses minières de la République démocratique du Congo (RDC) qui ont incité le Rwanda, l’Ouganda et le Zimbabwe à s’impliquer dans la guerre. Dire aux pays africains qu’ils ne doivent pas vendre leur uranium aux « États voyous » revient à interdire à un homme de vendre son fusil, même s’il est en train de mourir de faim. […] La Sierra Leone, le Liberia ou l’est de la RDC sont des zones de non-droit. Les guérillas peuvent y extraire autant d’uranium qu’elles le veulent, pour renflouer leurs stocks d’armes et de nourriture. Comme en Afrique de l’Ouest, les frontières y sont extrêmement poreuses : un modeste pot-de-vin suffit pour faire passer des armes, de la drogue ou des véhicules volés d’un pays à l’autre. Il suffit, par exemple, de 500 dollars pour qu’un camion chargé d’uranium nigérien soit autorisé à franchir la frontière nigériane. Et 1 000 dollars pour qu’il rejoigne les ports de Lagos ou de Cotonou. Sa cargaison peut alors être acheminée en Afghanistan ou en Corée du Nord… N’est-ce pas la meilleure preuve qu’aider l’Afrique à s’aider elle-même constitue le meilleur moyen d’assurer la sécurité des États-Unis et du reste du monde ? Washington serait donc bien inspiré de se soucier de l’Afrique avant qu’elle ne soit contrainte de vendre ses ressources minières à n’importe qui.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires