Le gang des dictionnaires

Acheteur fantôme, paiement frauduleux : pour les libraires européens, le préjudice est énorme.

Publié le 15 décembre 2003 Lecture : 2 minutes.

Après le matériel informatique, les postes de radio et les téléphones portables, c’est au tour des dictionnaires de faire l’objet d’un trafic à grande échelle en Côte d’Ivoire. En effet, depuis le début de l’été 2003, de faux libraires ivoiriens commandent des centaines d’ouvrages à leurs vrais homologues français en utilisant des cartes bancaires volées ou falsifiées. L’alerte a été donnée au début du mois d’août par L’Esprit Large, une petite librairie du département de Loire-Atlantique. Nadine Dumas, sa propriétaire, raconte avoir reçu par courriel une commande de deux cent cinquante Petit Robert émanant de la librairie Chico, située au 8, avenue Joseph-Anoma à Abidjan. Méfiante, elle s’assure que les 15 000 euros correspondant au prix de la marchandise et du transport aérien se trouvent bien sur son compte en banque avant d’expédier les dictionnaires.
La somme ayant été créditée, le colis est envoyé à destination d’Abidjan. Et le cauchemar commence. Car l’opération se révèle rapidement n’être qu’un mirage : la librairie Chico n’existe pas et le numéro de téléphone du commanditaire n’est autre que celui d’un café Internet. Quant aux 15 000 euros crédités à la commande, la banque, s’apercevant qu’il s’agit d’un paiement frauduleux, les débite quelques jours plus tard. Et, contre toute attente, accuse sa cliente de l’escroquerie dont elle a été victime ! Plusieurs centaines de libraires français, mais également belges et suisses auraient été victimes de ce nouveau type d’escroquerie. Au grand étonnement de la propriétaire de L’Esprit Large, qui explique avoir averti immédiatement le Syndicat des libraires français de sa mésaventure. « Dès la fin de l’été, toute la profession aurait dû être alertée de l’existence de ce réseau ivoirien », explique-t-elle. Apparemment, l’information n’a pas circulé et les coupables sont parvenus à se faire expédier des centaines de Larousse illustrés et de Robert grand format.
Le schéma est toujours le même : commande téléphonique ou électronique d’un nombre important de dictionnaires, librairie ivoirienne fantôme et fausse carte bancaire. Les libraires qui sont parvenus à découvrir assez tôt la supercherie ont pu éviter le drame. Le dépôt d’une plainte leur a en effet permis de bloquer chez le transitaire, à l’aéroport d’Abidjan, les dictionnaires trop vite expédiés. Grâce à l’aide de la Mission économique française sur place, Nadine Dumas a même réussi à se faire racheter la totalité de sa marchandise par la Librairie de France, le plus grand libraire de Côte d’Ivoire. « L’ambassade nous a fortement encouragés à venir en aide à ce petit commerce de l’ouest de la France, que cette affaire risquait de mettre en faillite », explique Brahima Soro, responsable achat des vingt-six magasins du groupe. Tous les escroqués n’ont pas eu cette chance. « J’ai dû faire revenir les colis en France à mes frais pour les rendre au fournisseur », se lamente un libraire de Rennes, victime lui aussi du mystérieux gang des dictionnaires. D’après le magazine français Livres Hebdo, plusieurs milliers d’ouvrages seraient toujours entreposés dans les hangars de l’aéroport d’Abidjan, en attendant les conclusions d’une enquête qui se révèle bien difficile.

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