Encore manqué !

Après une première tentative infructueuse, l’opposant Bernard Kolélas a de nouveau essayé de rentrer clandestinement au pays. Intercepté à Kinshasa, il a été expulsé vers le Mali. Un vrai polar.

Publié le 15 décembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Il a récidivé ! Ancien maire de Brazzaville (1994-1997) et éphémère Premier ministre de Pascal Lissouba (avant la chute de celui-ci, le 15 octobre 1997), Bernard Kolélas a une nouvelle fois tenté de regagner son pays sans l’aval du gouvernement du président Denis Sassou Nguesso. Sans succès.
Il était 9 h 30, ce 5 décembre, quand il a débarqué d’un vol de la Kenyan Airways à l’aéroport Ndjili, à Kinshasa. Porteur d’un passeport burkinabè établi au nom de Salif Senfo, il avait rasé sa barbe et ses moustaches et portait un chapeau. Méconnaissable. Une fois sorti de l’aéroport, il comptait gagner le Congo-Brazza, de l’autre côté du fleuve, via la localité de Bandza Ngungu, au Bas-Congo. Il n’en a pas eu le temps. Interpellé en compagnie de son épouse, de son garde du corps et d’un féticheur, il a été transféré sous bonne escorte au bureau de la Direction générale des migrations (DGM), dans le quartier de La Gombe, puis placé en garde à vue pour « faux et usage de faux ». Un arrêté d’expulsion du territoire de la RD Congo lui a rapidement été notifié.
Son nouveau signalement l’avait en effet précédé à Kinshasa. Plus de vingt-quatre heures avant son arrivée, la police des frontières avait reçu des photocopies de quatre passeports délivrés par les autorités de quatre pays différents. Il y apparaissait tantôt glabre, tantôt avec une barbe noire, tantôt avec une barbe blanche. Un discret dispositif policier avait été mis en place pour l’appréhender dès sa descente de l’appareil.
En fait, Kolélas était suivi à la trace depuis son départ d’Abidjan (où il est exilé depuis le mois d’octobre 1997) à destination de Nairobi, dans la matinée du 3 décembre. Quelques jours auparavant, les Congolais avaient informé les autorités ivoiriennes qu’il préparait un déplacement. « Nous savons tout sur Kolélas grâce à certains membres de son entourage », explique, au téléphone, un général proche du renseignement militaire. À peine avait-il quitté son domicile abidjanais que les policiers ivoiriens en avaient à leur tour informé leurs collègues…
Dans la matinée du 4 décembre, Pierre Oba, le ministre congolais de la Sécurité et de la Police, alerte Théophile Mbemba Fundu, son homologue de RDC, ainsi que le vice-président Azarias Ruberwa, qui dirige la Commission politique, défense et sécurité. Il leur demande d’intercepter Kolélas, conformément à la convention qui, depuis 2002, associe les États d’Afrique centrale dans la lutte contre la circulation des armes et les manoeuvres de déstabilisation. Puis, avec Jacques-Yvon Ndolou, son collègue délégué à la Défense, il met en place un discret dispositif de surveillance de la frontière entre les deux pays. Le « Beach de Brazzaville », la Main bleue (un débarcadère sur le fleuve Congo créé par Kolélas à l’époque où il était maire de Brazza) et le Pool-Malébo font l’objet d’une attention particulière. Le président Sassou Nguesso, qui séjourne à Cannes, en France, depuis le 3 décembre, est régulièrement tenu informé.
Dans l’après-midi du 4 décembre, Oba traverse discrètement le fleuve, en vedette rapide, pour s’entretenir, à Kinshasa, avec son collègue de RDC. Il veut être aux premières loges lors de l’arrestation de Kolélas. Il descend à l’hôtel Memling et s’installe sans une chambre au deuxième étage. Le lendemain matin, Kolélas est intercepté à l’aéroport. Après son interrogatoire, il est conduit dans une suite de ce même hôtel Memling, mais au troisième étage. Pendant quelques heures, le ministre et l’opposant en exil auront donc été voisins ! Dans la matinée du 6 décembre, ce dernier est embarqué dans un avion à destination du Mali. Un pays où il se rend fréquemment et où il compte de nombreux amis. Notamment des marabouts.
Car Kolélas (70 ans) n’a pas changé. Mélange de mysticisme et d’entêtement suicidaire, sa personnalité est toujours aussi difficile à saisir. Condamné à mort par contumace, il y a trois ans, par un tribunal de Brazzaville pour des crimes dont il se serait rendu coupable pendant la guerre civile de juin-octobre 1997, il veut coûte que coûte s’expliquer devant la justice de son pays. Mais le pouvoir de Denis Sassou Nguesso, par crainte de compromettre une paix encore fragile, s’oppose obstinément à son retour. Après une première tentative avortée (au mois d’avril 2001, en plein Dialogue national), Bernard Kolélas n’a sûrement pas renoncé.

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