Du Tout-Puissant à l’hyperpuissance

Publié le 15 décembre 2003 Lecture : 2 minutes.

En 1985, George W. Bush décide de mettre un peu d’ordre dans sa vie, d’arrêter les beuveries entre copains, dont Laura, son épouse, commence à se lasser, et de se consacrer à l’étude de la Bible. Des spiritueux au spirituel, édifiant programme ! Après deux ans de recyclage accéléré, la métamorphose est complète. « Le Christ, soupire-t-il, a changé mon coeur. »
Lorsque, quelques années plus tard, il se résout à briguer le poste de gouverneur du Texas, Karl Rove, la nounou politique dont sa famille a jugé prudent de l’assister, lui suggère de ne pas perdre son temps en vaines controverses et de se borner à « parler de sa foi ». Ce qu’il n’a jamais cessé de faire depuis. « Politiquement, la stratégie est redoutablement efficace, commente l’hebdomadaire américain The Nation. D’un point de vue religieux, ses résultats sont plus problématiques. » Notre confrère met en évidence les trois fondements, à la vérité peu orthodoxes, de la théologie bushienne : manichéisme, messianisme et manipulation de la prière.
Le manichéisme est l’hérésie majeure des premiers siècles de la chrétienté. L’Église mit longtemps, très longtemps à en triompher. Il s’agit d’une pensée complexe, qui, paradoxalement, se prête souvent aux simplifications les plus outrancières. Elle se résume alors à l’affrontement buté de deux principes fondateurs : le Bien et le Mal absolus. Contempteur de l’« axe du Mal », G. W. Bush en est à l’évidence un adepte. « Attribuant aux États-Unis une sorte d’innocence sublime, il [Bush] n’a qu’un argument pour expliquer la haine que leur portent les terroristes : « il y a des gens qui haïssent la liberté ». En d’autres termes, ils sont tellement sous l’emprise du Mal qu’ils abhorrent le Bien parce que, précisément, il est le Bien. » Reste à expliquer, commente notre confrère, pourquoi lesdits terroristes ne s’attaquent pas au Canada, qui, à certains égards, est encore plus démocratique que les États-Unis. Et pourquoi ils ne haïssent pas autant la Suisse, les Pays-Bas ou le Costa Rica. »
Le messianisme est une réminiscence moderne de la mission jadis confiée par Dieu, selon la Bible, aux anciens hébreux. Inexplicablement, « G.W.B. » a toujours eu la conviction d’être « appelé » à diriger l’exécutif américain. De même, les États-Unis auraient, selon lui, vocation à guider le monde vers le paradis de la démocratie. C’est le Tout-Puissant au service de l’hyperpuissance !
Jamais la prière n’a joué un rôle aussi important qu’aujourd’hui dans la vie politique américaine. Avant d’annoncer l’invasion imminente de l’Irak, le président s’est par exemple recueilli quelques instants, en n’omettant pas d’en informer les médias. Le message évangélico-publicitaire était le suivant : tel Moïse sur le mont Sinaï, le président prie ; il communique avec Dieu et ne peut donc se tromper. Mais The Nation soulève une légère objection doctrinale. Le vrai but de la prière est-il d’implorer Dieu de nous faire connaître Sa volonté ? Ou de l’enrôler sous la bannière étoilée ? Non, décidément, estime notre confrère, Bush n’est qu’un de ces faux prophètes tels qu’il s’en trouve à foison dans la Bible. La religion, opium du peuple ? Il serait amusant que le président des États-Unis finisse par donner raison à Marx.

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