Dieu, Darwin et l’orchidée

Publié le 15 décembre 2003 Lecture : 2 minutes.

Des fleurs sur le bureau de mon ami Fernando. Des fleurs sur le bureau d’un bosseur. Ça fait tache. Ça étonne. Tiens, le scientifique pur et dur serait romantique ? Ou y aurait-il amourette sous roche ? C’est peut-être la petite Claudia, doctorante en chimie, ou Lina, la biologiste libanaise ? Je n’ai pas le temps d’approfondir ces hypothèses : Fernando surgit d’on ne sait où et se précipite sur les fleurs qu’il jette dans un broyeur électrique. Hop ! Le Moulinex ronronne et les fleurs trépassent. Le chercheur recueille le jus dans une éprouvette.
Mon sang de gentleman ami de la chlorophylle ne fait qu’un tour.
– Qu’est-ce que c’est que ces moeurs de barbare ? Pourquoi as-tu massacré ces pauvres végétaux ?
Fernando hausse les épaules.
– Bah, ce sont des orchidées Chiloglottis trapeziformis. De fieffées sagouines, des allumeuses !
– Oh là, on se calme.
– Regarde dans ce bocal. Voici une guêpe de sexe masculin de l’espèce Neozeleboria cryptoides.
– Enchanté.
– Imagine la scène. Monsieur Neozeleboria cherche l’âme soeur. Soudain, il respire le parfum voluptueux d’une Neozeleboria femelle. Enivré d’amour, il se précipite, s’exhibe, s’agite, conquiert, plonge, fait son affaire, puis s’en va fumer une clope, métaphoriquement parlant. Qu’est-ce que tu en penses ?
– À part la cigarette, rien à redire.
– C’est là que tu te trompes. L’ami Neozeltruc s’est fait avoir ! Il croyait honorer une mignonne petite guêpe, il a en fait batifolé avec une fleur ! Ces Chiloglottis diaboliques ont appris à synthétiser la molécule 2-ethyl-5-propylcyclohexan et à l’émettre dans l’air ambiant.
– Et alors ?
– Mais c’est le parfum de la Neozeleboria cryptoides femelle ! D’où l’erreur de Neozel mâle. Et pendant qu’il s’active, l’orchidée lui dérobe les grains de pollen qu’il transporte à son insu sur tout son corps. Et c’est ainsi que les orchidées se reproduisent : en trompant les guêpes ! Qu’est-ce que tu en penses ?
– J’en pense que, devant ce miracle de la Nature, ma grand- mère aurait crié « Louanges à Dieu ! », pendant que mon prof’ de sciences naturelles aurait invoqué Charles Darwin. Mais, Dieu ou Darwin, quelle importance, du moment que la guêpe prend son pied et la fleur son pollen…

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