Décollage en vue pour « Air Cemac »

Le projet de création d’une compagnie d’Afrique centrale avance. Mais les obstacles ne manquent pas et le temps presse…

Publié le 15 décembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Pour désenclaver la région et renforcer leur intégration, les membres de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) sont fermement résolus à créer une nouvelle compagnie aérienne. Le projet a provisoirement été baptisé « Air Cemac ». Un « comité de pilotage » – c’est le cas de le dire – planche depuis deux ans sur le montage financier.
Le 29 novembre, les ministres de tutelle des six pays (Cameroun, Centrafrique, Congo-Brazzaville, Guinée équatoriale, Tchad et Gabon) se sont réunis dans la capitale congolaise afin d’entériner les propositions dudit comité et de passer à la phase active. Ils ont insisté pour que le premier tour de table des actionnaires se tienne avant le 25 janvier 2004. Sous la pression de ces derniers, ils ont également accepté de revoir à la baisse leur participation au capital de la future compagnie : au lieu des 5 % prévus à l’origine, chaque pays n’en détiendra que 3 %. La compagnie communautaire sera une société anonyme dont la gestion sera confiée à des entrepreneurs privés : 22 % de régionaux et 60 % d’étrangers. Les États membres de la CEMAC ne détiendront pas de minorité de blocage.
Le choix du partenaire stratégique se révèle plus délicat. Un moment envisagée, la participation d’Air France a rapidement été écartée. Jugeant la compagnie déjà trop impliquée dans la région, les ministres ont préféré engager des négociations avec un autre groupe français, Euralair, une petite compagnie spécialisée dans l’aviation d’affaires et les vols charters, en vue de la conclusion d’un accord de partenariat. À condition que les autorités françaises ne lui retirent pas sa licence d’exploitation. Car Euralair Horizons, principale filiale du groupe, est accablée par une dette de 27,9 millions d’euros. Déclarée en cessation de paiement le 3 novembre, elle attend le jugement du tribunal de Bobigny, le 17 décembre, pour connaître son sort. Ce qui augure mal de l’avenir de la compagnie d’Afrique centrale si elle venait à signer un contrat avec cette société de second rang. « Il aurait fallu choisir un partenaire plus solide et demander à des experts internationaux de construire le projet », regrette un proche du dossier.
Bien d’autres questions sont en suspens. Qui sont les actionnaires prêts à mettre sur la table les 15 milliards de F CFA (23 millions d’euros) nécessaires au décollage d’Air Cemac ? Où sera situé le siège social de la compagnie ? Que deviendront Air Gabon et Cameroon Airlines (Camair), les deux seules compagnies nationales de la région encore en activité ? « La création de cette compagnie ne signifie pas du tout la fin de la Camair, jure Nana Abouabakar Djalloh, le secrétaire d’État camerounais aux transports. D’ailleurs, Air France, KLM et Swiss sont déjà présentes au Cameroun, cela a-t-il empêché la Camair de se maintenir ? L’essentiel est que nous n’avons pas cédé sur nos droits aériens. » À l’instar du Gabon, le Cameroun a insisté pour que « le trafic de la compagnie communautaire se fasse dans le cadre de la libre concurrence, avec les instruments nationaux existants ». En revanche, les autres pays membres lui ont concédé l’exclusivité de leurs droits, notamment en direction de l’Europe.
Si la volonté politique semble dorénavant assurée, Air Cemac n’est pas encore sur le point de décoller. Car il faudra auparavant résister à l’offensive d’Air France, qui a annoncé l’ouverture d’une ligne vers Malabo en janvier 2004 et dont le projet de fusion avec la néerlandaise KLM fait peur. Pour s’en sortir, Air Cemac devra se lancer avant que le géant franco- néerlandais ne soit opérationnel, sans doute en 2005.
Pour le moment, le ciel de l’Afrique centrale reste désespérément calme. Les liaisons entre certaines capitales sont si rares que les passagers sont parfois contraints de faire escale à Paris et d’endurer plus de quinze heures de voyage. En dehors des compagnies internationales (Air France ou Swiss), qui ne desservent que les destinations rentables, seules Air Gabon et Camair relient les grandes villes de la région à l’Europe. Mais jusqu’à quand ? Air Gabon a bien du mal à renouveler son contrat avec Boeing, et les avions de la Camair restent parfois cloués au sol, en attendant que l’État honore ses dettes. Les aéroports d’Afrique centrale attendent donc avec impatience l’arrivée de nouvelles compagnies. La concurrence sera rude.

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