Pots-de-vin, surfacturations et armes de guerre : comment le Niger a perdu des dizaines de milliards

76 milliards de francs CFA (116 millions d’euros) auraient été détournés au Niger dans le cadre de contrats d’armement entre 2014 et 2019. C’est ce que révèle un audit de l’Inspection générale des armées, auquel l’Organized Crime and Corruption Reporting Project a eu accès en intégralité. Jeune Afrique détaille le scandale.

Une patrouille de soldats nigériens à Diffa. © REUTERS/Luc Gnago

Une patrouille de soldats nigériens à Diffa. © REUTERS/Luc Gnago

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Publié le 6 août 2020 Lecture : 8 minutes.

*Cet article est issu du travail de l’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP), un consortium de journalistes d’investigation fondé en 2006, lequel a permis à Jeune Afrique de relayer les résultats de son enquête (dont l’original peut être lu, en anglais, ici).

Cet audit est sans doute à l’origine du plus gros scandale politico-financier de l’histoire du pays. Réalisé en février 2020, le document de l’inspection générale des services, dont JA avait déjà évoqué les principales conclusions, révèle un total de 76 milliards de francs CFA (116 millions d’euros) détournés entre 2014 et 2019 dans le cadre de commandes d’armes passées par l’État nigérien et son ministère de la Défense.

Principale enseignement de cet audit, auquel l’Organized Crime and Corruption Reporting Project a eu accès : une grande partie des équipements fournis par des entreprises internationales – y compris des entreprises publiques de défense russe, ukrainienne et chinoise – étaient sujet à des surfacturations, de faux appels d’offre ou n’étaient parfois tout simplement pas livrées.

La justice nigérienne enquête aujourd’hui sur les conclusions de cet audit qui aurait dû rester confidentiel. Au centre de ces investigations, deux hommes d’affaires : Aboubacar Hima et Aboubacar Charfo, que l’inspection générale des armées soupçonnent d’avoir truqué des marchés en utilisant des sociétés sous leur contrôle pour donner l’illusion d’une mise en concurrence.

Aboubacar Hima, l’homme au cœur du scandale

Selon l’OCCRP, Aboubacar Hima, alias « Petit Boubé », a remporté au moins les trois quarts des contrats contrôlés par les auditeurs. Époux de la fille de l’ancien président Ibrahim Baré Maïnassara, Petit Boubé est apparu dans le monde de l’armement en 2010, via le Nigeria, où il a créé des sociétés qui joueront un rôle clé dans les transactions détaillées par l’audit.

À l’époque, explique l’OCCRP, « la plupart des transactions liées à Hima étaient signées en vertu d’une loi de 2013 sur la sécurité nationale. Elle autorisait certains contrats de défense à être signés par négociations directes avec une entreprise, plutôt que via un appel d’offres public ».

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« Le Niger a abandonné cette loi en 2016, la remplaçant par une autre exigeant un processus plus transparent. Mais le mal avait été fait », ajoute l’OCCRP. La plupart des ventes identifiées dans l’audit ont donc échappé aux organes de contrôle du ministère de la Défense et du ministère des Finances.

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