Bye-bye, Bob !

Le président Robert Mugabe n’a pas hésité à claquer la porte du Commonwealth. Au risque d’accentuer l’isolement de son pays.

Publié le 15 décembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Robert Gabriel Mugabe, 80 ans en février prochain, a donc décidé de claquer la porte du Commonwealth ! Cette décision a été rendue publique peu après l’annonce faite par l’organisation, le 7 décembre à Abuja, de maintenir « pour une période indéterminée » les sanctions prises contre le Zimbabwe au lendemain du scrutin présidentiel controversé de mars 2002. Mugabe a préféré tirer sa révérence plutôt que d’avoir « un pied dedans, un pied dehors » et de continuer d’être traité en paria. Quitte à accentuer son isolement diplomatique et, au-delà, les difficultés politiques et économiques de son pays. « Nous n’avons vraiment jamais profité de notre présence au sein de ce club, ironise Didymus Mutasa, le secrétaire pour les Affaires extérieures de l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (ZANU-PF), le parti au pouvoir. Au sein de ces instances, notre président était constamment pris pour cible, comme aucun dirigeant ne l’a jamais été. Le Commonwealth ne représente rien pour nous… »
Quitter le Commonwealth, qui regroupe la Grande-Bretagne et, principalement, ses anciennes colonies (soit, au total, cinquante-quatre pays indépendants), ne peut pourtant qu’aggraver la situation du Zimbabwe, dont l’économie est très mal en point : chômage endémique, inflation à trois chiffres, déficit céréalier, baisse de la production du tabac, le principal produit d’exportation, pénurie de carburant. Mugabe fait, depuis bientôt deux ans, l’objet de sanctions de l’Union européenne et de l’administration américaine, qui lui reprochent les conditions de sa réélection pour un nouveau mandat de six ans, en 2002, la répression contre les opposants et les journalistes, mais aussi, et surtout, son « entêtement » à vouloir procéder à une réforme agraire au profit de ses compatriotes noirs, confinés, près d’un quart de siècle après l’indépendance, dans des lopins arides, les terres les plus fertiles étant toujours aux mains d’une minorité de fermiers blancs.
La décision de reconduire les sanctions contre Harare ne fait pas l’unanimité. Même si elle a été prise à une majorité des cinquante-deux chefs d’État et de gouvernement (le Pakistan, tout comme le Zimbabwe, est suspendu) de l’organisation présents, du 5 au 8 décembre, dans la capitale du Nigeria. Plus grave, cette décision accentue le fossé entre des « puissances régionales » telles que l’Afrique du Sud et le Nigeria, d’une part, et le « Commonwealth blanc », d’autre part, qui regroupe autour de la Grande-Bretagne des pays comme le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Si ces derniers militent activement pour un isolement du régime de Robert Mugabe, les Africains, eux, privilégient le dialogue et la diplomatie pour amener le président zimbabwéen à composer avec son opposition et à accepter une sortie de scène honorable. Le président Thabo Mbeki, dont le pays est sur la ligne de front, craint par ailleurs qu’une explosion sur sa frontière nord ne déstabilise l’ensemble de l’Afrique australe.
Cela dit, les positions africaines sur la crise zimbabwéenne comportent des nuances. « Nous devons exhorter le Zimbabwe à rester dans la famille », a ainsi déclaré le ministre kényan des Affaires étrangères, Kalonzo Musyoka, avant d’ajouter qu’il est « important d’encourager les pays membres à pratiquer la démocratie ». Même discours nuancé chez le président nigérian Olusegun Obasanjo, hôte du sommet. Il critique, certes, les « positions dures » exprimées par « certains membres » du Commonwealth, mais déplore aussi les critiques émises « après coup » par certains pays, la décision de reconduire les sanctions contre le Zimbabwe ayant été prise, selon lui, par « consensus ».
Joaquim Chissano, son homologue du Mozambique, seul pays lusophone membre du Commonwealth, est d’un tout autre avis. « Tout cela a été fait de manière non démocratique et injuste, affirme celui-ci, également président en exercice de l’Union africaine. Le processus d’isolement ne résout aucun problème. » La Communauté de développement des États de l’Afrique australe (SADC), qui réunit douze pays également membres du Commonwealth, ne fait pas non plus dans la nuance. Dans un communiqué rendu public le 9 décembre, la SADC exprime son « mécontentement » et sa « profonde inquiétude » face à « l’attitude méprisante, intolérante et rigide de certains membres du Commonwealth durant les délibérations à Abuja ». Et de conclure : « Ce développement n’augure rien de bon pour l’avenir du Commonwealth. »

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