Quel remède contre le sida ?

La complexité génétique du VIH rendrait improbable, sinon impossible, la mise au point d’un vaccin efficace

Publié le 15 novembre 2004 Lecture : 3 minutes.

« Après vingt-trois ans de recherches intensives sur le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), et l’expérience de 23 millions de morts causées par l’infection dans le monde, il n’y a toujours aucune perspective de vaccin pour protéger du sida, écrit Richard Horton dans la New York Review of Books. La découverte d’un vaccin est-elle simplement une question de temps ? Ou bien le virus présente-t-il aux chercheurs un défi insurmontable ?
« L’International Aids Vaccine Initiative (IAVI), la plus importante organisation qui se voue à la mise au point d’un vaccin antisida, poursuit Horton, affirme que les obstacles sont connus et peuvent être franchis : ce sont le manque de volonté politique et les ressources scientifiques insuffisantes. Avec des bureaux à New York, Amsterdam, Nairobi et New Delhi, la IAVI a investi 100 millions de dollars dans la recherche sur un vaccin. À la conférence sur le sida qui s’est réunie à Bangkok en juillet 2004, Seth Berkley, le président de la IAVI, a déclaré que « seul un vaccin peut mettre fin à l’épidémie », qu’« un vaccin peut être découvert » et qu’il faudrait investir 1,3 milliard de dollars par an pour le mettre au point. […]
« Mais, contrairement aux prédictions et aux promesses de la plupart des spécialistes du sida, tout indique qu’un vaccin protégeant de l’infection par le VIH ne sera pas découvert, à tout le moins, avant plusieurs décennies – s’il l’est un jour. Ceux qui sont responsables de la lutte contre le sida dans le monde se refusent à admettre cette sombre perspective, du moins publiquement. Pourtant, c’est la conclusion qui s’impose de plus en plus en fonction des preuves qui s’accumulent. Tant que la gravité de cet échec scientifique ne sera pas ouvertement reconnue, il ne pourra pas y avoir de débat sérieux sur la manière dont on peut mettre fin à l’emprise fatale qu’exerce le VIH sur certaines des populations les plus pauvres et les plus vulnérables du monde. »
Dans cet article, qui occupe douze colonnes de la revue grand format qu’est la NYRB, Richard Horton souligne « l’extraordinaire complexité génétique » du VIH et évoque les facteurs biologiques et géographiques qui font que l’idée d’un vaccin n’est qu’un « rêve ». « Quelle peut être l’alternative ? » se demande-t-il. Il rappelle les difficultés que connaît, en Afrique subsaharienne notamment, le traitement par les antirétroviraux, et la vulnérabilité de plus en plus confirmée des femmes. Il est conscient qu’« en 2010, il y aura dans le monde 25 millions d’orphelins causés par le sida ». Mais sa conclusion est nette : « C’est une atrocité humaine à laquelle hommes et femmes devront faire face ensemble – et sans l’aide d’un vaccin. »
Si péremptoires qu’ils soient, de tels propos ne peuvent être écartés d’un revers de la main. Richard Horton est médecin et donne des cours à la London School of Hygiene and Tropical Medicine. Et c’est le rédacteur en chef de The Lancet, l’un des plus prestigieux hebdomadaires médicaux, basé à Londres et à New York. Il collabore régulièrement à la New York Review of Books depuis une dizaine d’années. Il n’hésite pas, à l’occasion, à publier des textes donnant lieu à controverse, comme cette communication qui établissait un lien entre le vaccin rougeole-oreillons-rubéole et l’autisme. Et il ne ménage pas, en général, l’industrie pharmaceutique.
Est-ce une simple provocation que de ne pas croire à la possibilité d’un vaccin antisida ? Malheureusement non. Même en France, pays découvreur du virus, on commence à avoir des doutes. Certes, le gouvernement a décidé, au début de novembre, d’accorder à l’Agence nationale de recherches sur le sida (ANRS) une subvention supplémentaire étalée sur trois ans. Et l’ANRS lance un « appel à volontaires » pour son nouvel essai de vaccin préventif. Ce sera le premier essai de phase II (test d’efficacité) réalisé en Europe. La campagne se déroulera les 20 et 21 novembre.
Mais tout en se réjouissant de ce supplément de crédits et en faisant des voeux pour que ce vaccin préventif apporte une protection, même partielle, le professeur Michel Kazatchkine, le patron de l’ANRS, lançait cette mise en garde : « L’ANRS ne peut pas dépasser 10 % de son budget pour la recherche sur un candidat vaccin. Nous avons déjà financé quinze essais de phase I (test de tolérance) de candidats vaccins préventifs. Nous en sommes arrivés à la mzise en oeuvre de la phase II avec une stratégie originale fondée sur l’utilisation de lipopeptides. Si dans trois ans cette approche ne se montre pas suffisamment prometteuse, nous l’arrêterons. »
Peut-on encore rêver ?

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires