À quand une Afrique dans le vent ?

À l’heure où les prix du pétrole s’envolent, renchérissant le coût de l’électricité, l’éolien offre au continent une solution de substitution intéressante. À condition que les États mettent la main à la poche.

Publié le 17 novembre 2004 Lecture : 3 minutes.

Aujourd’hui, un légitime souci de préserver l’environnement amène à privilégier les énergies durables, renouvelables, et surtout non polluantes. Parmi elles, l’énergie éolienne, qui a enregistré une belle montée en puissance dans le monde, notamment en Europe (voir encadré). L’Afrique accuse un certain retard, avec une capacité installée de 148 mégawatts (MW) en 2002, soit à peine 0,5 % de la capacité mondiale.
Du vent, l’Afrique en a pourtant à revendre ! C’est ce qu’a établi, chiffres à l’appui, la première conférence sur l’investissement dans l’énergie éolienne en Afrique, organisée par la Banque africaine de développement (BAD) les 28 et 29 octobre à Tunis. Une conférence qui ne pouvait mieux tomber : au même moment, le pétrole, combustible dominant pour faire tourner les générateurs produisant de l’électricité, caracolait au-dessus de 50 dollars le baril. « À un moment où les réserves fossiles mondiales s’amenuisent et où les prix du pétrole menacent la durabilité à long terme de l’économie africaine, les énergies renouvelables telles que l’éolienne pourraient contribuer à la sécurité énergétique », a affirmé Olabisi Ogunjobi, vice-président de la BAD, dans son discours d’ouverture.
Car le nord et le sud de l’Afrique regorgent de « gisements » éoliens exploitables. D’après une « étude stratégique de déploiement de l’énergie éolienne en Afrique » commanditée par la BAD et réalisée par le bureau de consultants canadien Helimax Energy Inc., quinze pays offriraient les potentialités les plus intéressantes.
En tête du peloton, le Maroc et la Tunisie, qui répondent à trois critères déterminants : des gisements confirmés ; une volonté politique et un cadre réglementaire existant ; un contexte technico-économique et environnemental favorable. Suivent l’Afrique du Sud, l’Algérie et l’Égypte, qui disposent cependant d’abondantes ressources énergétiques qui leur permettent de produire de l’électricité à un coût plus faible que celui de l’éolien.
Un troisième groupe de pays dispose de bons gisements, mais aussi d’autres sources d’énergie renouvelable plus compétitives – géothermique à Djibouti, hydraulique au Lesotho, photovoltaïque au Tchad, biocombustible à Maurice et aux Seychelles.
Dans les pays du dernier groupe – Cap-Vert, Érythrée, Madagascar, Mauritanie et Somalie -, la qualité des gisements doit être confirmée, la volonté politique n’est pas clairement prononcée et les études de faisabilité technique ne semblent pas concluantes à moyen terme.
Tous ces États se heurtent au même obstacle : il faut investir pour acquérir des aérogénérateurs (éoliennes), construire une connexion au réseau de distribution d’électricité, couvrir les frais de fonctionnement et de maintenance, rembourser les banques et rémunérer les investisseurs. Pourront-ils supporter de tels investissements ?
Dans le monde, pour des raisons stratégiques (limiter la dépendance aux hydrocarbures) et environnementales (réduire les émissions de gaz à effet de serre), la plupart des pays qui s’engagent dans des programmes d’énergie éolienne le font à coups de subventions et d’avantages tarifaires et fiscaux. Et pour cause : aucun projet n’est capable de produire de l’énergie éolienne à un prix inférieur aux coûts marginaux de la production d’électricité, c’est-à-dire aux coûts d’une unité supplémentaire produite dans les centrales électriques qui fonctionnent avec des combustibles fossiles (charbon, gaz, pétrole…).
Les projets d’énergie éolienne ne peuvent donc être réalisés qu’à la faveur d’une subvention étatique à l’investissement de l’ordre de 30 % à 50 %, complétée d’avantages fiscaux, et à des tarifs de cession de la production au distributeur local favorables et garantis.
Pour autant, la question du coût n’a pas découragé des pays comme le Maroc, la Tunisie, l’Afrique du Sud et l’Égypte, qui lancent des projets pilotes et établissent des programmes de développement de l’énergie éolienne à l’intention du secteur privé.
Le Maroc a évalué à 53,5 MW la capacité des installations à Koudia el-Baida, dans le parc Abdelkhalek Torres, près de Tétouan. Des projets prévoient l’installation de 60 MW supplémentaires à Essaouira en 2006 et de 140 MW à Tanger en 2007. Résultat : l’éolien passera de 1 % de la production d’électricité en 2003 à 4 % en 2007, pour atteindre 8 % et 300 MW d’ici à 2010.
En Tunisie, le parc éolien installé en 2001, à Sidi Daoud, au Cap Bon, a vu sa capacité augmenter de 10 MW à 20 MW en 2003. Le programme 2004-2011 prévoit de porter la capacité totale du pays à 300 MW, dont 100 MW à réaliser à partir de 2004 avec le concours du privé. Le potentiel éolien du pays est estimé à 1 000 MW.
L’Égypte a installé un parc de 46 éoliennes près de la mer Rouge. L’Afrique du Sud, avec un potentiel oscillant entre 500 MW et 1 000 MW, vise une production de 10 000 gigawattheures (GWh) d’ici à 2013.
Mais ces efforts resteront limités si l’éolien ne réussit pas à améliorer sa compétitivité. À Tunis, la BAD s’est engagée à concentrer son aide sur huit pays : Afrique du Sud, Cap-Vert, Érythrée, Madagascar, Maurice, Mauritanie, Maroc et Tunisie. Avec le Pnud (Programme des Nations unies pour le développement), elle cherche à motiver d’autres bailleurs de fonds pour apprivoiser le vent d’Afrique.

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