Les Saoudiens en embuscade

Le poste de directeur général suscite bien des convoitises. Paris fera-t-il pencher la balance en faveur de Riyad ?

Publié le 15 novembre 2004 Lecture : 3 minutes.

Qui sera le prochain directeur général de l’Institut du monde arabe (IMA) ? À l’approche du 15 novembre, date limite du dépôt officiel des candidatures, les rumeurs allaient bon train dans les couloirs de la maison du quai Saint-Bernard, à Paris, tout autant qu’au sein des délégations et ambassades arabes. Tous les quatre ans, en effet, l’IMA élit – ou réélit – son directeur général. Comme le stipule la charte fondatrice, il doit être issu d’un pays arabe, la présidence étant confiée à un Français.
Cette élection attendue pour la fin de l’année (la prise de fonctions du nouveau directeur intervenant en mars 2005) ne laisse plus les États arabes indifférents. Ils sont prêts à négocier ferme pour obtenir un poste jugé prestigieux, au sein d’une institution qui, désormais, compte dans le paysage culturel français. Outre les avantages personnels qui lui sont attachés, la fonction accorde un droit de regard – et un pouvoir de décision certain – au pays du candidat élu.
En dix-sept ans de fonctionnement public, l’IMA a vu se succéder trois directeurs aux compétences et aux profils fort différents. Après le Libanais Bassem al-Jisr, véritable homme de culture, ce fut le tour de l’avocat marocain Mohammed Bennouna, dont les méthodes à la « Makhzen », dit-on, imprègnent encore les lieux, avant que la charge n’échoie à l’Égyptien Nasser el-Ansary, à qui l’on reproche un manque d’initiative flagrant.
Saisis par les candidatures de l’Arabie saoudite, du Liban, des Émirats et de l’Irak pour ce qui est des pays du Machrek, la Ligue arabe ainsi que le Conseil des ambassadeurs arabes – instance en principe en charge du dossier -, ont insisté sur la nécessité d’un consensus. L’Arabie saoudite est alors restée en lice. Un premier candidat, Jamil al-Hejailan, ex-ambassadeur de son pays en France, s’est retiré au profit d’Abdelaziz Ben Selma, un universitaire qui fut représentant permanent du royaume à l’Unesco.
Soutenus par le Conseil économique du Golfe, les Saoudiens présentent en outre l’avantage de pouvoir « négocier » financièrement le poste. Ils pourraient, par exemple, éponger les dettes de l’IMA…
Les Maghrébins estiment, quant à eux, que le poste leur revient après les deux mandats successifs d’Ansary. Ils font aussi observer que l’Arabie saoudite vient de remporter le secrétariat général de la Chambre de commerce franco-arabe et qu’elle ne peut cumuler deux postes aussi importants dans la capitale française. L’Algérie et la Tunisie, candidates à la direction de l’IMA, défendent le choix d’un « profil adéquat et compétent ». Elles ont l’avantage de pouvoir présenter d’excellents francophones, bien ancrés dans le pays d’accueil, connaissant ses traditions et ses réseaux culturels, « l’enjeu étant surtout de donner à voir au public français une culture arabe vivante », comme le soutient un universitaire maghrébin.
La Tunisie – pays qui s’est toujours acquitté de ses dettes auprès de l’IMA – n’est pas la moins bien placée. Encore faudrait-il qu’elle fasse du lobbying – ce qui n’est pas son fort – et qu’elle appuie officiellement une candidature de grande qualité, comme celle de Azedine Beschaouch, épigraphiste de notoriété internationale et ancien administrateur général de la Bibliothèque nationale de Tunis, qui fut mollement défendu lors de l’élection précédente.
Encore faudrait-il, aussi, que les jeux ne soient pas faits d’avance. Or la France, qui, quoi qu’on en dise, aura le dernier mot, semble pencher en faveur du Golfe. « C’est compréhensible, commente un collaborateur de l’IMA. Cette option conforte la stratégie de Paris, qui a souvent privilégié le rôle diplomatique de l’Institut au détriment de sa vocation culturelle. L’Arabie saoudite pourrait, en l’occurrence, servir de relais efficace à la politique française. » Quid de la culture ? « Elle ne pèse pas lourd à côté de la géostratégie, conclut notre interlocuteur. Sinon, comment pourrait-on se permettre de placer à la tête d’une institution culturelle le candidat d’un pays où la culture – cinéma, musique, expositions – a à peine droit de cité ? »

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