La démission du gouvernement ne suffit pas à calmer la colère des Libanais

Moins d’une semaine après la double explosion survenue à Beyrouth, le Premier ministre libanais Hassan Diab a annoncé la démission de son gouvernement, sous la pression de la rue qui accuse la classe politique d’être responsable de ce drame.

Au Liban, la rue en colère après l’explosion survenu dans le port de Beyrouth. © AP SIPA/Bilal Hussein

Au Liban, la rue en colère après l’explosion survenu dans le port de Beyrouth. © AP SIPA/Bilal Hussein

Publié le 11 août 2020 Lecture : 4 minutes.

« Aujourd’hui j’annonce la démission de ce gouvernement», a déclaré Hassan Diab lundi 10 août. Dans un discours à la nation prononcé six jours après l’explosion qui a dévasté le port de la capitale libanaise et une partie de la ville, le Premier ministre libanais s’en est pris à la classe politique, l’accusant d’être la cause de ses échecs.

Il a par ailleurs dénoncé la « corruption» ayant conduit à « ce séisme qui a frappé le pays ». Se présentant comme un indépendant, Hassan Diab avait été nommé Premier ministre en réponse à un soulèvement populaire ayant poussé son prédécesseur Saad Hariri à la démission.

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Jets de pierre et pétards

Alors qu’il commençait son discours, des heurts se déroulaient dans le centre ville aux abords du Parlement, pour la troisième soirée consécutive. Des manifestants lançaient des pierres et des pétards sur les forces de sécurité qui répliquaient avec des tirs de gaz lacrymogènes, selon un photographe de l’AFP.

Même avec une démission de Hassan Diab, il y a encore 128 voleurs assis au Parlement

Les manifestants réclament le renouvellement de la classe politique tout entière, accusée depuis des mois de corruption et d’incompétence. « Même avec une démission de Hassan Diab, il y a encore 128 voleurs assis au Parlement », a fustigé Layal, une manifestante. « Eux aussi doivent démissionner, sinon on reste dans le même cycle ».

La déflagration gigantesque du 4 août –qui a fait au moins 160 morts et plus de 6.000 blessés– s’est ajoutée aux souffrances d’une population déjà excédée par une crise économique inédite, aggravée par l’épidémie de Covid-19.

Six jours après le drame, les autorités n’ont toujours pas expliqué pourquoi une énorme quantité de nitrate d’ammonium était entreposée au port, au beau milieu de la ville.

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C’est un incendie dans l’entrepôt où étaient stockées 2 750 tonnes de nitrate depuis six ans, sans « mesures de précaution» de l’aveu même de Hassan Diab, qui a provoqué l’explosion. Mais le président Michel Aoun, lui-même contesté, a rejeté l’éventualité d’une enquête internationale. Et les autorités n’ont pas communiqué sur l’enquête locale.

Manifestations à Beyrouth le 10 août 2020. © AP SIPA/Bilal Hussein

Manifestations à Beyrouth le 10 août 2020. © AP SIPA/Bilal Hussein

Classe politique totalement discréditée

Face aux protestations, quatre ministres avaient déjà présenté leur démission depuis dimanche. De son côté, Hassan Diab avait commencé par déclarer samedi qu’il était prêt à rester dans ses fonctions pendant deux mois, jusqu’à l’organisation d’élections anticipées dans un pays dominé par le mouvement armé du Hezbollah, un allié de l’Iran et du régime syrien de Bachar al-Assad. Avant de se rétracter et de démissionner deux jours après.

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Les participants aux manifestations du week-end, réprimées par les forces de sécurité, ont crié « vengeance » et ont réclamé des comptes à une classe politique totalement discréditée qui n’a apporté aucune aide significative à la population après l’explosion.

Les élections anticipées ne figurent pas parmi les principales revendications de la rue, le Parlement étant contrôlé par des forces politiques traditionnelles qui ont élaboré une loi électorale calibrée pour servir leurs intérêts.

« Tous veut dire tous», ont clamé ces deux derniers jours les manifestants, appelant au départ de tous les dirigeants. Des effigies de nombre d’entre eux –notamment de Michel Aoun et du chef du Hezbollah Hassan Nasrallah– ont été accrochées à des cordes de pendus lors des rassemblements.

« Une seule personne contrôle ce pays, c’est Hassan Nasrallah », a affirmé Nadim Gemayel, l’un des neuf députés ayant annoncé leur démission. « Pour élire un président, désigner un Premier ministre (…) il faut le feu vert et l’autorisation de Hassan Nasrallah.»

Désespoir

Alors que les Libanais continuent d’enterrer leurs morts, les secouristes ont désormais perdu tout espoir de retrouver des survivants à l’explosion. Au grand dam des familles des disparus –une vingtaine officiellement– qui accusent les autorités d’avoir tardé à organiser les recherches.

«Nous réclamons la poursuite des recherches», a lancé sur les réseaux sociaux Emilie Hasrouty, dont le frère serait enseveli sous les décombres. Des habitants ont allumé dimanche soir des bougies sur une route surplombant le port, pour rendre hommage aux victimes.

Le drame a relancé la contestation populaire qui s’était essoufflée avec la pandémie de coronavirus

Le drame a relancé la contestation populaire déclenchée le 17 octobre 2019 pour déjà dénoncer la corruption des dirigeants mais qui s’était essoufflée avec la pandémie de coronavirus.

La communauté internationale, qui réclame depuis des années au pouvoir libanais des réformes et une lutte contre la corruption, a montré lors d’une visioconférence dimanche co-organisée par la France et l’ONU qu’elle ne lui faisait plus confiance.

Elle a annoncé qu’elle allait « directement» distribuer à la population les 252,7 millions d’euros d’aide promis. Et elle a exigé une enquête « transparente » sur les causes de la catastrophe qui a également fait près de 300.000 sans-abri.

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