Forcing diplomatique

Sommets du Nepad, de la Francophonie et de la Ligue arabe, rencontre euro-méditerrannéenne d’Oran (« 5+5 »), visite d’Etat au Japon… Abdelaziz Bouteflika sur tous les fronts.

Publié le 15 novembre 2004 Lecture : 4 minutes.

L’agenda international du président Abdelaziz Bouteflika pour les semaines à venir est tout simplement démentiel. Qu’on en juge. Les 22 et 23 novembre, il sera l’hôte d’un sommet du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad). Dans le même temps (23-24 novembre), Abdelaziz Belkhadem, le chef de sa diplomatie, présidera une réunion euro-méditerranéenne dite des 5+5 regroupant le Portugal, l’Espagne, la France, l’Italie et Malte, d’un côté ; la Mauritanie, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et la Libye, de l’autre. Les 26 et 27 novembre, le chef de l’État participera au sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), à Ouagadougou, au cours duquel il devrait officiellement déposer une demande d’adhésion de son pays (qui, à ce jour, ne bénéficie que d’un statut d’observateur). Dès le 5 décembre, il se rendra au Japon pour une visite d’État – la première d’un président algérien dans ce pays. À son retour, il lui restera moins de quatre mois pour préparer le prochain sommet de la Ligue arabe, prévu en mars 2005, à Alger.
Cette intense activité diplomatique s’inscrit dans un contexte régional et mondial assez orageux. Il y a d’abord la nouvelle poussée de fièvre qui affecte les relations algéro-marocaines à propos du Sahara occidental ; les crise en Côte d’Ivoire et au Darfour, dans l’est du Soudan, et la transition chaotique en RD Congo ; la guerre en Irak et la très controversée conférence internationale qui doit se tenir à la fin du mois, à Charm el-Cheikh (Égypte) ; mais aussi la fin de l’ère Arafat en Palestine, le terrorisme en Arabie saoudite, les inquiétudes suscitées par le redéploiement de l’armée syrienne au Liban et ses conséquences sur les relations entre la population libanaise et les réfugiés palestiniens…
Prévu de longue date, le sommet d’Alger intervient à un moment délicat pour le Nepad, cible de nombreuses et virulentes critiques. « C’est un concept foireux, un simple prétexte à la tenue de grand-messes pour chefs d’État désoeuvrés », accusent ses détracteurs. Même le Sénégalais Abdoulaye Wade, l’un des quatre promoteurs du projet, a récemment émis des doutes quant à son efficacité. Le Nepad a certes permis à l’Afrique d’être associée aux dernières réunions du G8, mais où sont ses réalisations concrètes en matière de développement ? Associés à l’opération, l’Algérie, le Nigeria et l’Afrique du Sud ne partagent pas ce pessimisme. « Le Nepad n’est pas un ensemble de projets de développement, affirme un diplomate algérien. Il propose une voie rapide pour accélérer le partenariat. »
Lors du sommet, deux chefs d’État africains, le Rwandais Paul Kagamé et le Ghanéen John Kufuor, soumettront à l’évaluation de leurs pairs africains les résultats de leur gestion (ouverture à la société civile, programmes de développement, démocratisation, etc.) et s’efforceront de les convaincre de leur volonté de « bonne gouvernance ». « Si ces deux pays réussissent leur examen de passage, commente le même diplomate, il reviendra à l’Afrique tout entière d’obtenir des bailleurs de fonds les financements nécessaires à la mise en route des projets de développement en cours. » Cette idée d’« évaluation par les pairs » est sans doute généreuse, mais du sérieux de sa mise en oeuvre dépend la crédibilité du Nepad. Les Africains sont-ils enfin résolus à en finir avec la langue de bois ? Auront-ils le courage de recaler un chef d’État si son dossier n’est pas solide ? C’est tout l’enjeu de la réunion d’Alger.
S’agissant des conflits en cours sur le continent, la diplomatie algérienne ne se montre pas vraiment inquiète. « Jamais les instances africaines n’ont réagi aux conflits avec autant de célérité, affirme ses responsables. La catastrophe humanitaire au Darfour a, par exemple, été prise en charge par le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, qui a dépêché sur place une force d’interposition. De même en Côte d’Ivoire : quelques heures après le dernier rebondissement de la crise, à Bouaké et à Abidjan, le Sud-Africain Thabo Mbeki a été chargé de prendre langue avec toutes les parties concernées.
Autres événements d’importance sur l’agenda diplomatique de Bouteflika : la réunion des 5+5 et le sommet arabe du mois de mars prochain.
À Oran, Maghrébins et Européens s’efforceront de définir une stratégie commune en matière de lutte antiterroriste et sur tous les problèmes liés à l’immigration clandestine. À Alger, les membres de la Ligue arabe tenteront de surmonter les divergences d’approche entre Maghreb et Machrek, afin d’engager une réforme en profondeur et une démocratisation de l’institution, en sommeil depuis sa création, en 1945. Le chef de l’État algérien aura besoin de toute son ingéniosité pour dégager une position maghrébine commune.
Pour tenter d’apaiser les tensions apparues entre Nouakchott et Tripoli, Bouteflika s’est par ailleurs lancé dans une improbable médiation entre Maaouiya Ould Taya et l’imprévisible Mouammar Kadhafi : il s’est rendu chez ce dernier et a dépêché à Nouakchott le chef de la diplomatie. À suivre.
Quant à l’escalade verbale en cours avec leurs voisins marocains, les Algériens s’efforcent d’en minimiser la gravité et préfèrent insister sur la récente rencontre (le 5 novembre, à New York) entre Abdallah Baali, leur représentant à l’ONU, et Mohamed Bennouna, son collègue marocain, à la demande de ce dernier. Bouteflika s’est d’autre part longuement entretenu avec Moulay Rachid, le prince héritier marocain, lors des funérailles de Cheikh Zayed al-Nahyane, le 3 novembre à Abou Dhabi. Bref, l’optimisme est à ce point de rigueur à Alger qu’Abdelaziz Belkhadem s’est déclaré convaincu que Mohammed VI assistera au prochain sommet de la Ligue arabe. L’événement serait d’importance, puisque la dernière visite à Alger d’un souverain marocain – Hassan II, en l’occurrence – remonte à 1990, à l’occasion, déjà, d’un sommet arabe. Le défunt roi avait voyagé à bord du car-ferry Marrakech, en compagnie de son fils Mohammed, qui n’était pas encore sixième du nom.

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